On n’aurait pas pu mieux choisir que la toile La page blanche ( 1967 ) du peintre René Magritte afin d’illustrer la pièce de théâtre Les temps difficiles écrite par Olivier Godin sous la direction artistique de Maxime Brouillet présentée le 9 août dans le cadre du festival Zone Homa. La toile surréaliste nous montre une pleine lune sur un amas de feuilles pas rattachées aux branches d’un arbre, sur un ciel nocturne au-dessus d’une lisière de maisons noires illuminées.
Bien qu’un ballon de basketball orange ait pris la place de la lune blanche sur l’illustration de la pièce, le saxophone introduit cette ambiance de clair de lune. Puis, les comédiens Étienne Pilon, Florence Blain Mbaye, Tatiana Zinga Botao, Mani Soleymanlou et Fayolle Jean Jr laissent tomber leurs feuilles colorées après les avoir lus. La scène devient un dépôt de feuilles comme sur la toile, et cette accumulation marque la durée tel un dénouement qui se dépouille de son intrigue à mesure que le sort des personnages s’en remet au destin, scellé par la fin de la pièce.
En plus de laisser tomber leurs feuilles colorées, les comédiens se sont peint les mains et les avant-bras de la couleur de leur texte respectif. L’acte de lire n’est pas dissimulé, le texte devient un élément qui entre en scène. « Y’a-t-il du vent ? », demande une comédienne qui devrait sentir son souffle. « Je recule », affirme le héros qui a honte, et qui recule. « Je suis assis », lance un comédien sans s’asseoir, une indication devient une information révélée sur l’attitude du personnage. Ainsi, le texte adopte une densité.
Le basketball apparaît tel un élément central et incongru. Un trait de culture populaire à travers des répliques d’un niveau de langue élevé. Le musicien qui accompagne le saxophoniste joue du ballon driblé, de ses pieds et d’une cymbale. Le duo jazz « de rue » installe l’ambiance pour cette histoire relativement banale. Esther se trouve divisée entre un homme qui lui apporte la sécurité, le terrain de jeu, et un autre qui lui apporte la passion, lancer au panier. Esther a un talent, elle excelle au basketball. C’est ce sport qui va la faire vaciller entre les deux prétendants.
L’histoire, le récit ou l’action ont peu d’importance dans cette pièce ayant le sport pour prétexte, la façon dont on le raconte en a, par contre. On se laisse tirailler par la mise en scène de cette « page blanche », direction technique de Renaud Després-Larose à l’appui, comique à plusieurs reprises.
Zone Homa se déroule du 19 juillet au 27 août à la Maison de la culture Maisonneuve.