Avec la bande dessinée L’instant d’après, le prolifique scénariste Zidrou et le dessinateur Éric Maltaite livrent une intrigante histoire de disparitions, à mi-chemin entre un polar français des années 1960 et un épisode de Twilight Zone.
Considérée comme l’une des jeunes harpistes les plus prometteuses de la scène classique internationale, Aline Lefranc est enceinte, ce qui n’enchante pas son mari, Philippe Ballester. Alors qu’ils roulent tous deux en voiture sur la Nationale 7, Aline demande une cigarette à son époux, mais au moment où celui-ci se tourne pour lui en offrir une, sa femme n’est plus là, évaporée comme par magie, et la stupéfaction bien compréhensible du conducteur devant ce siège vide cause un accident de la route. Tandis que les disparitions inexpliquées se multiplient dans les jours suivants cet événement, frappant tour à tour un pilote d’avion en plein vol, un élève au beau milieu de sa classe, un travailleur dans un ascenseur ou une jeune femme dans la cabine d’essayage d’un grand magasin, Philippe, depuis son lit d’hôpital, se butera à l’incrédulité des policiers, qui l’accusent formellement du meurtre de sa compagne et le cuisineront sans répit afin de connaître l’endroit où il a caché le corps.
L’instant d’après suit Blandine Lefranc, une effeuilleuse française exilée aux États-Unis qui, à plus de 7 000 kilomètres de distance, a senti qu’il arrivait quelque chose à Aline, sa sœur jumelle. De retour en France et confrontée à des forces de l’ordre incapables d’envisager autre chose qu’une explication rationnelle, elle mènera sa propre enquête, de la chambre d’hôpital de son beau-frère jusqu’à une prison où croupit Houdain, un détenu affirmant avoir été accusé à tort du meurtre de sa femme, volatilisée elle aussi dans des circonstances nébuleuses il y a treize ans, et qui recense dans la presse les quelques 900 cas similaires survenus depuis. J’ai beaucoup apprécié la plume de Zidrou dans La Peau de l’ours (lire notre critique ici), mais le scénariste fait preuve ici d’une certaine paresse, en n’essayant même pas d’expliquer les raisons derrière ces disparitions surnaturelles, qui constituent le cœur même du récit et resteront sans réponses jusqu’à la fin, même si aucun autre tome ne semble prévu.
Saupoudré de bars de strip-teaseuses et de nudité, la signature graphique d’Éric Maltaite dans L’instant d’après évoque une version plus adulte et plus délurée de Natacha, la célèbre hôtesse de l’air dessinée par François Walthéry. Ses illustrations sont vivantes et très attrayantes, et sans jamais nommer l’époque, on devine dès les premières pages, avec les rues éclairées de réclames en néons, les vieilles bagnoles et les visiteurs fumant à l’hôpital, que l’action se passe quelque part dans les années 1960. Le côté rétro de la bande dessinée est encore accentué par l’utilisation de couleurs pleines sans aucun dégradé, et le découpage est redoutablement efficace : Maltaite divise par exemple l’image d’un couple se disputant au comptoir d’un relais routier en deux cases, ce qui augmente l’impression de distance entre les amoureux en froid (voir image ci-dessus), et il intègre même des partitions à travers certaines de ses planches.
Personnellement, je ne raffole vraiment pas des récits qui nous titillent avec un mystère surnaturel sans jamais daigner l’expliquer, comme le fait L’instant d’après, mais au moins, les illustrations vibrantes de Maltaite, qui nous replongent avec brio dans la France de la fin des années 1960, compensent largement, avec leur style Natacha pour adultes.
L’instant d’après, de Maltaite et Zidrou. Publié aux éditions Dupuis, 56 pages.