Un choix évident pour certains, pas assez progressiste pour d’autre; un choix consensuel, ou une décision « extrême »… Le candidat présumé des démocrates à la présidentielle américaine, Joe Biden, a choisi mardi la sénatrice démocrate Kamala Harris comme colistière. Cette dernière devient la première femme noire à faire partie d’un ticket présidentiel démocrate ou républicain.
Ancienne adversaire lors des primaires démocrates, qui avait d’ailleurs talonné M. Biden sur les questions raciales, Mme Harris a été procureure à San Francisco et procureure générale de la Californie, des postes qui ont poussé ses détracteurs à critiquer la politicienne pour avoir notamment fait pression pour faire emprisonner des consommateurs de marijuana, alors qu’elle a elle-même avoué avoir fumé du cannabis dans sa jeunesse.
Ses partisans mettent cependant de l’avant non seulement son expérience en tant que politicienne aguerrie, mais aussi sa capacité de bien s’exprimer sans se laisser impressionner par son interlocuteur. Peu de temps après l’annonce de sa nomination, mardi en fin d’après-midi, plusieurs internautes ont ainsi rediffusé, sur Twitter, des extraits de sa confrontation avec l’actuel secrétaire à la Justice, Bill Barr, lors d’audiences sur l’affaire Robert Mueller.
Son positionnement résolument progressiste fait aussi la joie des électeurs pro-démocrates, et ce malgré le fait que d’autres, plus près de la gauche du Parti démocrate, l’accuse d’avoir pigé dans le programme politique du sénateur « socialiste » du Vermont, Bernie Sanders. Pour l’équipe de campagne de Donald Trump, pourtant, Mme Harris est assez à gauche pour être taxée de « membre de la gauche radicale » qui « imposera de nouvelles taxes de l’ordre de milliers de milliards de dollars », peut-on entendre dans une publicité négative lancée sur les réseaux sociaux quelques minutes seulement après l’annonce de M. Biden.
Comme l’écrit le New York Times, cependant, qui rapporte les propos de l’ancienne secrétaire à la Sécurité intérieure Janet Napolitano, Mme Harris « n’est pas membre de l’extrême gauche du parti, elle est une ancienne procureure ». « Ce qui implique devoir prendre des décisions difficiles », a ajouté Mme Napolitano.
Aux yeux du quotidien new-yorkais, le ticket démocrate est maintenant « composé de deux personnes modérées ». Les analystes semblent toutefois s’entendre sur le fait que Joe Biden a réussi un bon coup en choisissant Mme Harris. Non seulement a-t-il choisi une personnalité connue qui a l’expérience du pouvoir, il s’est aussi assuré de renforcer ses gains chez les communautés asiatiques et noires (Mme Harris est jamaïcano-indienne), deux groupes électoraux dont il doit s’assurer le soutien indéfectible pour espérer une victoire convaincante contre Donald Trump.
Par ailleurs, en raison de son âge avancé (il pourrait devenir le plus vieux président américain à être investi s’il gagne l’élection, à 78 ans et des poussières), Joe Biden pourrait très bien n’effectuer qu’un seul mandat. Kamala Harris aurait alors de l’expérience comme sénatrice, puis comme vice-présidente en charge de certaines affaires d’État. Une combinaison fort utile pour espérer devenir la première femme présidente des États-Unis. Idem si M. Biden est dans l’incapacité de remplir son premier mandat.
En ce sens, le choix de Mme Harris correspond aux transformations de la population américaine: les habitants du pays de l’Oncle Sam sont d’origines plus diversifiées, davantage de femmes se lancent en politique, et l’âge moyen des candidats aux plus hautes fonctions électives du pays, s’il a fortement monté depuis 2016, notamment, pourrait redescendre quelque peu, surtout si les républicains font aussi le pari de la jeunesse pour 2024, dans le cas d’une défaite de M. Trump en novembre prochain.
À sept mois de la présidentielle, l’Amérique est plus divisée que jamais