Si Joe Biden l’emporte contre Donald Trump, lors de l’élection présidentielle de novembre prochain, il lui faudra s’attaquer à quantité de problèmes chez lui, aux États-Unis. Mais le nouveau chef d’État devra aussi se tourner vers le reste du monde, et plus particulièrement vers la Chine, grand adversaire de la présidence Trump… quand l’actuel résident de la Maison-Blanche n’incite pas le président chinois Xi Jinping à aller de l’avant avec ses camps de concentrations pour la minorité Ouïghoure. The Economist s’attaque à une lourde tâche: prévoir les futures relations avec Pékin sous une présidence Biden.
Dans un rapport publié la semaine dernière, le magazine spécialisé tente donc d’imaginer les tendances lourdes du premier mandat de Joe Biden en ce qui concerne les échanges avec l’Empire du milieu. « Il est impensable que la trame de fond des relations sino-américaines ne se poursuive pas », écrivent les spécialistes consultés par The Economist. Il y a peu de chances que les relations entre Washington et Pékin ne s’améliorent au cours des prochaines années, mentionnent-ils encore.
Cependant, il est possible d’envisager que plutôt que de prendre la forme d’une guerre commerciale pure et simple, un conflit qu’a déclenché M. Trump en imposant d’importantes hausses tarifaires sur quantité de produits chinois, pour ensuite devoir compenser certains producteurs, notamment les agriculteurs producteurs de soya dont les exportations n’ont plus trouvé preneur en Chine, cette rivalité s’articule plutôt autour de la protection de la propriété intellectuelle, ainsi que du déséquilibre créé par le modèle économique chinois.
S’il remporte la présidence, Joe Biden devra aussi décider s’il garde le cap dans l’affrontement avec le géant chinois Huawei, ou s’il fait marche arrière. Cette deuxième option pourrait d’ailleurs ne pas être possible: sur demande des États-Unis, le Canada s’est engagé dans un long et complexe processus d’extradition de Meng Wanzhou, l’une des dirigeantes de la compagnie et fille du fondateur, un dossier qui a entraîné l’arrestation de deux citoyens canadiens en Chine.
Washington a également réussi à convaincre plusieurs alliés, notamment le Royaume-Uni, de ne pas utiliser les équipements de Huawei pour déployer la téléphonie cellulaire de cinquième génération, la 5G, de peur que Pékin ne dispose de portes d’entrée dérobées permettant d’espionner les communications occidentales. Joe Biden voudrait-il reculer après que son prédécesseur eut provoqué un schisme technologique de si grande ampleur? Perdrait-il la face de façon irrémédiable sur la scène internationale?
Garder le cap
De fait, les experts consultés par The Economist s’attendent à ce que Joe Biden, s’il est élu, garde le cap en matière de correction des déséquilibres commerciaux entre les États-Unis et la Chine. Il s’intéresserait aussi, sans doute, aux questions liées aux droits de la personne, notamment les Ouïghours, dans le Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, mais aussi à Hong Kong, où l’adoption de la ligne dure par le gouvernement chinois a fait voler en éclat le concept de « un pays, deux systèmes » qui permettait de préserver une certaine forme de démocratie dans l’ancienne colonie britannique.
La politique étrangère de M. Biden en serait toutefois une d’engagement, prédisent les spécialistes, plutôt que l’approche de confrontation et de belligérance de Donald Trump. M. Biden et Xi pourraient aussi s’intéresser aux questions environnementales, qui ont généralement rassemblé les deux pays.
En matière de sécurité, toutefois, l’incertitude demeure, notamment dans la région de la mer méridionale de Chine. Pékin y revendique d’importants territoires et des îles qui n’ont pas nécessairement de valeur stratégique, mais qui permettraient à la Chine de s’approprier d’importantes réserves d’hydrocarbures, tout en projetant sa puissance maritime et militaire. Le hic, pour le gouvernement chinois, c’est que les pays voisins revendiquent eux aussi ces territoires, et entendent faire cause commune contre l’intimidation chinoise.
Si les États-Unis ne tourneraient pas directement leur attention vers cette région, après l’élection de M. Biden, une fois la crise de la pandémie surmontée, un nouveau président pourrait décider de tenter d’apaiser les tensions. Ou, au contraire, de renforcer la présence américaine dans la région, possiblement en vendant des armes à leurs alliés, comme cela est déjà le cas avec Taïwan, au grand dam de Pékin.
Les experts du magazine The Economist ne croient toutefois pas que cela pourrait déboucher sur un conflit régional. D’autant plus, disent-ils, que Pékin et Washington ont tous deux d’importants arsenaux nucléaires, et que les liens économiques entre les deux pays sont trop vastes pour risquer que tout ne parte en fumée.
Y a-t-il une porte de sortie? Encore une fois, les analystes évoquent l’environnement. Si Joe Biden va de l’avant avec son plan vert consistant à rendre les États-Unis carboneutres d’ici 2050, cela pourrait entraîner des investissements massifs, et donc une opportunité de coopération entre les deux grandes puissances.
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