Quel meilleur moment, pour donner vie à un roman racontant la prise de pouvoir par les fascistes, aux États-Unis, qu’une période de pandémie où un président aux tendances fascistes envoie maintenant des mercenaires pour kidnapper des manifestants dans les rues de grandes villes américaines?
Présentée depuis la mi-mars sur HBO, The Plot Against America est une mini série en six épisodes qui raconte largement le scénario du livre du même nom publié en 2004 par Philip Roth. Dans l’Amérique du début de la Deuxième Guerre mondiale, l’aviateur Charles Lindbergh, dont les tendances à droite n’ont jamais vraiment été cachées, bat Franklin D. Roosevelt lors de l’élection présidentielle de 1941, et met alors en place un gouvernement qui, s’il n’est pas excessivement pro-nazi, en a tout de même toutes les apparences.
À travers le prisme de la famille Levin, une famille juive de la banlieue de Newark, au New Jersey, la lente descente des États-Unis dans le chaos politique, social et racial, en un certain sens, provoquera pratiquement l’éclatement de ce groupe autrefois tissé serré. Il y a le père, Herman (Morgan Spector), qui dénoncera rapidement Lindbergh et les partisans de la neutralité face au régime de terreur du Troisième Reich; il y a Alvin (Anthony Boyle), le jeune voyou qui finira par se rendre au Canada pour s’engager au sein de l’armée britannique pour combattre les Allemands; il y a Elizabeth (Zeo Kazan), l’épouse d’Herman qui endure les coups de gueule des hommes de la famille tout en craignant la plongée des États-Unis dans l’antisémitisme, et il y a bien sûr Evelyn Finkel (Winona Ryder), la soeur d’Elizabeth qui se retrouvera coincée dans les rouages d’une administration Lindbergh qui adoptera des politiques toujours plus à droite.
La minisérie suit largement la structure du livre, avec ce lent, mais constant effritement du tissu social. Il y a bien des gens qui protestent, qui tempêtent, mais la plupart des citoyens ne s’en inquiètent pas trop. Du moins, au début. Après tout, les États-Unis ont évité une nouvelle guerre, non? Que les Européens s’entre-déchirent; les Américains, eux, pourront se concentrer sur leur prospérité. « L’Amérique d’abord », fera valoir Lindbergh lors de sa campagne présidentielle. Quoi, est-ce une référence subtile à Donald Trump, et à ses politiques isolationnistes qui ont sapé les institutions internationales bâties sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale? Toute coïncidence est fortuite…
Une presse libre qui est étouffée, de l’incitation à la violence contre les adversaires politiques, une pression sur les grands acteurs économiques pour adopter des politiques pro-gouvernementales, voire opposées à un pays ou à un groupe en particulier… Les créateurs de cette mini-série n’ont eu qu’à regarder autour d’eux pour trouver des exemples de proto-fascisme au sein de l’administration américaine. Et encore, The Plot Against America ne montre pas d’enfants migrants enfermés dans des cages, de népotisme grossier avec des postes importants offerts aux proches, ou encore de tentatives aucunement subtiles de s’acoquiner avec des bandits et des dictateurs de toutes sortes à travers le monde.
Non, vraiment, The Plot Against America est plus subtile, plus pernicieuse que l’actualité, et c’est tant mieux. L’effet n’en est que plus important, plus mordant. À voir.