À travers le monde, plusieurs équipes engagées dans la course à un vaccin contre la COVID-19 croient que l’intelligence artificielle pourrait contribuer à une percée. Le chercheur postdoctoral à l’École de médecine de l’Université Harvard, Tariq Daouda, a développé avec son équipe québécoise une plateforme interactive censée être capable de prédire des cibles prometteuses de vaccins.
« L’intelligence artificielle joue ici le rôle du télescope en astronomie, un outil augmenté qui ne remplace pas l’humain, mais nous permet de traiter des choses impossibles à l’œil nu: dans ce cas-ci, des dizaines de milliers d’épitopes, de petites séquences de protéines susceptibles d’alerter le système immunitaire », explique M Daouda.
Ces nouveaux travaux, encore préliminaires, qui ont fait l’objet d’une prépublication le 4 juin, reposent sur un algorithme développé dans la quête d’un vaccin contre le cancer et adapté à la nouvelle menace. Une piste issue des précédents travaux de doctorat du chercheur, sous l’égide du Pr Claude Perreault, de l’Institut de recherche en immunologie et cancérologie de l’Université de Montréal.
Lorsqu’une cellule est infectée par le virus, de petits morceaux de virus dégradés (des épitopes), présents à la surface de la cellule, activent la réponse du système immunitaire et sont ainsi attaqués par les anticorps – les lymphocytes T ou « soldats » de ce système.
L’algorithme va dresser une liste des épitopes (de petites séquences codantes) susceptibles de constituer des cibles pour un prochain vaccin. En théorie, grâce à un réseau neuronal artificiel appelé Codon Arrangement MAP Predictor (CAMAP), l’IA va prédire de probables candidats qu’elle a appris à reconnaître, suite à l’analyse de milliers de séquences codantes issues du génome humain.
Les épitopes varient en fonction des mutations, explique le chercheur. Avec le SRAS-Cov-1 (le virus responsable de l’épidémie de SRAS, en 2003-2004), « nos résultats montrent que CAMAP donne des notes particulièrement élevées aux épitopes validés expérimentalement ». Étant donné la grande parenté entre SRAS-CoV-1 et SRAS-CoV-2, « ces résultats sont encourageants quant à une application à SRAS-CoV-2 ».
Posséder une liste de tous les épitopes du SRAS-Cov-2 offrirait donc les cibles idéales pour la création d’un vaccin. Ce type de vaccin, à base d’épitopes, est déjà élaboré pour lutter contre l’infection du parasite responsable d’une maladie mortelle (leishmaniose viscérale) et contre certains types de cancers.
Il reste à valider ces travaux avec des patients guéris – ou plutôt leurs cellules. « Il y a différentes manières d’élaborer un vaccin: celle avec épitopes reste parmi les moins toxiques, car il est conçu avec de toutes petites séquences. Quelques mots dans un livre de 400 pages », soutient M Daouda.
Une nouvelle façon de chercher un vaccin
« Cette étude présente une nouvelle façon, assez fascinante et révolutionnaire, de conceptualiser cet antigène par le système immunitaire », commente le directeur scientifique de l’Institut du cancer de Montréal, Réjean Lapointe. « L’approche classique repose plutôt sur la recherche de morceaux de peptides dans la grande chaîne des protéines cellulaires.
Grand fan des travaux en immunologie de Claude Perreault et de son équipe, le Pr Lapointe assure qu’il va intégrer cet algorithme à ces travaux pour les contre-valider. « Nous allons ajouter cela à notre boite d’outils. Pour notre part, nous travaillons plutôt du côté biologique, à concevoir une banque de cellules humaines issues de patients convalescents de la COVID-19. Lorsque nous aurons le financement, nous pourrons alors tester les différents peptides exprimés par les trois principales protéines du coronavirus et voir quelles sont les meilleures cibles pour un vaccin », ajoute-t-il.