À la fin juillet, la nuit dure 4-5 heures sans jamais céder à la noirceur d’un ciel étoilé. Ainsi, la vingtaine d’heures d’ensoleillement installe une temporalité atypique si elles ne sont pas altérées par l’ombre des nuages, un ciel couvert ou la pluie.
Au quai où on prend le traversier pour l’ile Viðey, la lisière de roche nous place en première loge pour observer la stagnation du soleil après minuit. Au loin, la ligne d’horizon a été surlignée d’un pinceau imbibé d’aquarelle orangée. La rive trace une circonférence des formes carrées urbaines aux formes organiques sauvages en passant par notre emplacement, un cercle noir qui tourne le dos au soleil. Au centre, la mer bleu métallique rayée de ses vagues ne cesse d’être l’attrait des oiseaux la survolant, qui y plongent tour à tour pour se nourrir.
Quelques Islandais apparaissent pour tirer leur canne à pêche à l’eau. Les mouvements, les cris et les éclaboussures des oiseaux s’harmonisent en une mélodie hypnotique. Le vent souffle nonchalamment comme à l’habitude. Les aiguilles de notre montre tournent, tandis que l’horizon orange stagne. Assis sous ce dôme de dégradés de bleu, on prend conscience de l’absence du zénith comme on l’a toujours connu sous les latitudes de notre pays d’origine. Si l’on compare le soleil plus au sud à une ampoule, sous le cercle polaire il faudrait échanger le globe pour un éclairage aux néons.
Ailleurs en ville, la noirceur de la nuit est comparable à celle d’une aube continue.
Accueil
Le tourisme est l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie islandaise, d’après l’Organisation de coopération et de développement économique ( OCDE ). Si la majorité des voyageurs s’adonnent à des activités en plein air, les habitants veillent à rendre leur capitale attrayante pour accueillir le flux de touristes.
Les visiteurs frileux disposent d’un Dunkin’ Donuts, d’un PFK, d’un Subway, d’un American Bar, d’un English Pub, d’un Café de Paris, d’un restaurant de tapas espagnol et d’un restaurant de kebabs. Les Islandais détiennent leur propre chaîne de restauration rapide, Aktu Taktu, avec commande à l’auto. L’offre s’améliore avec le restaurant de grillades en hommage à l’acteur Chuck Norris, et à deux pas, un bar inspiré du film The Big Lebowski ( 1998 ) réalisé par les frères Coen. Le design respecte l’esprit du film sans s’y limiter: à voir!
À plusieurs endroits, vous pouvez acheter un hot dog garni de ketchup, de moutarde brune insipide, de mayonnaise, d’oignons crus et d’oignons frits. L’option économique est de se faire des sandwichs avec le pain foncé à l’ancienne sucré à la texture de muffin se vendant en brique, ou celui multigrain sans levure avec un goût brûlé. Le paquet de jambon vendu en épicerie est marqué de symboles alchimistes qui se découvrent à mesure de manger les tranches.
Certains restaurants cuisinent le macareux, petit oiseau noir et blanc qui peut aligner plusieurs poissons sur son bec coloré. Étrangement, il s’agit d’un emblème surexploité dans les boutiques de souvenirs. Parmi les magasins de vêtements, la laine demeure le matériel de prédilection. La Handknitting Association of Iceland regroupe plus de 300 membres qui tricotent pour relaxer. « Elles ont beaucoup produit pendant la récession », affirme une vendeuse me confiant que le tricot est au programme à l’école primaire.
Urbanisme
On gagne à parcourir la capitale de l’Islande pour son architecture biscornue et pour découvrir ses racoins incongrus : un parterre rempli de figurines féériques, un terrain parsemé de champignons d’une grosseur anormale, des plates-bandes en pierres volcaniques, un abreuvoir en forme de boyau d’arrosage et le dôme de verre déposé sur des cylindres trônant au sud de la ville.
Reykjavík n’est ni un refuge pour randonneurs, ni une agglomération avec divertissements, il s’agit d’une capitale avec sa culture, son histoire, son parlement et son mode de vie propres. Sa population s’adapte à un flux de touristes relativement nouveau, si on tient compte de tous les marins d’origines diverses qui y ont jeté l’ancre depuis la nuit des temps.
Au port, l’exposition chronologique de cartes géographiques de l’Islande montrant les nombreux navires échoués au large de ses côtes peut expliquer l’humour noir de ce peuple nordique.
Un vol de cinq heures et un décalage de quatre heures, ce n’est rien à comparer à la distance que les Vikings ont parcourue du Danemark à Terre-Neuve en passant par le Groenland, avec un modeste drakkar.
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Photos: René-Maxime Parent