L’année 2020 sera-t-elle au moins positive pour le candidat démocrate à la présidentielle américaine? La pandémie de COVID-19 et la crise économique majeure qui l’a suivie ont fait changer les intentions de vote des électeurs des États-Unis, et Joe Biden semble, pour la première fois, acquérir une certaine avance solide sur son opposant républicain, le président Donald Trump.
Cette assomption, présentée dans un récent rapport publié par le magazine The Economist, fait écho à une série de sondages dont les résultats, rendus publics ces derniers jours, font état d’un mouvement de fond qui semble se dessiner à travers le pays en faveur du candidat démocrate. Car il y a, en plus de la récession sans précédent depuis les années 1930, une vague de colère populaire contre les autorités, mais aussi, plus généralement, contre des institutions toujours jugées défavorables aux minorités, et plus spécialement aux Noirs, plus de 150 ans après la fin de la Guerre civile.
« La réponse de M. Trump à ces deux crises a davantage exposé son style qui divise, et qui est impopulaire chez les électeurs indépendants qui seront essentiels lorsque viendra le temps de décider de l’issue de la prochaine élection présidentielle », lit-on dans l’analyse. De leur côté, les démocrates ont fait bloc derrière M. Biden.
Toujours selon les analystes de The Economist, la voie vers la Maison-Blanche n’est plus celle qu’avait empruntée M. Trump en 2016; s’il a perdu le vote populaire par environ 2%, ses marges gagnantes minimes dans quatre États clés, soit le Michigan, la Pennsylvanie, la Floride et le Wisconsin, lui avait permis de remporter une majorité de grands électeurs, qui décident ultimement du vainqueur de l’élection.
Autant M. Biden que M. Trump disposent de bases électorales solides, affirme le magazine, avec entre 40% et 44% de l’électorat qui est acquis à chacun des candidats. La victoire se trouve donc du côté des 20% d’indépendants, environ, qui n’ont pas encore fait leur choix, à bientôt quatre mois du jour du scrutin. Ce sont d’ailleurs les indépendants des banlieues et des zones industrielles désoeuvrées, la fameuse Rust Belt, qui joueront un rôle essentiel, eux qui avaient largement soutenu M. Trump en 2016. Il faudra aussi tenir compte du taux de participation.
It’s the economy, stupid
Sans surprise, l’état de santé de l’économie américaine décidera fort probablement du résultat du scrutin. Il est donc logique que la violente récession provoquée par la pandémie, un phénomène impossible à prévoir avant le début de l’année 2020, ait provoqué un changement de perspective au sein de l’équipe de campagne de M. Trump. « Nous ne nous attendons pas à ce que les dépenses des consommateurs retrouvent leur niveau pré-pandémie avant qu’un vaccin ne soit trouvé, ce qui ne devrait pas se produire avant la fin 2021, au plus tôt », souligne l’analyse de The Economist.
Les dizaines de millions d’Américains maintenant au chômage pourraient transposer leur mécontentement dans l’isoloir, au début du mois de novembre. Et l’aide financière offerte par le gouvernement, après de longues négociations entre démocrates et républicains, doit prendre fin en juillet, et rien ne garantit qu’elle soit prolongée au-delà.
Mauvaise nouvelle pour M. Trump, l’incertitude économique qui secoue les États-Unis ne peut être blâmée sur un précédent président, comme à l’époque où il n’était qu’un candidat souhaitant éviter qu’Hillary Clinton ne remplace Barack Obama à la tête de l’État.
Et pire encore, une majorité d’Américains sont insatisfaits de la façon dont l’administration Trump a géré la pandémie, notamment les indépendants que le président sortant doit convaincre.
Du côté des enjeux sociaux, l’approche « la loi et l’ordre » du président après la mort de George Floyd lors d’une opération policière a torpillé son taux d’approbation auprès du public: celui-ci s’établit maintenant à -15%, soit son plus bas taux en un an et demi. L’absence d’ouverture en faveur de réforme pour réduire la violence policière et le nombre de personnes tuées par les forces de l’ordre, notamment les Noirs et autres groupes minoritaires, a aussi joué en défaveur du président sortant, alors que Joe Biden joue plutôt la carte de l’unité et de l’ouverture.