Même après cette crise sanitaire, les universités ne seront plus comme avant, avance un article de la revue Nature —le premier d’une série de textes sur les changements appréhendés. La crise force en effet les universités à faire face à des défis qui rôdaient déjà depuis longtemps, comme la flambée des frais de scolarité et les perceptions d’élitisme. À long terme, les universités pourraient ne pas seulement proposer des cours en ligne; elles pourraient devoir admettre moins d’étudiants internationaux et s’ouvrir sur la communauté locale.
De riches universités privées américaines, comme l’Université Johns Hopkins à Baltimore, au Maryland, s’attendent à perdre des centaines de millions de dollars au cours du prochain exercice financier, notamment à cause de la baisse des inscriptions d’étudiants étrangers. Les universités britanniques font face à un déficit qui atteindra 4 milliards$ l’année prochaine, là aussi en raison de la baisse prévue d’inscriptions, selon le cabinet d’experts-conseils London Economics. Et les universités australiennes pourraient perdre jusqu’à 21 000 emplois à temps plein cette année, dont 7000 en recherche, en raison de leurs liens étroits avec les universités chinoises et les étudiants de là-bas.
L’espoir d’une meilleure éducation virtuelle
Depuis 2002, le Massachusetts Institute of Technology met des cours gratuitement en ligne. Et pourtant, la plupart des universitaires ont dû apprendre à se débrouiller ces derniers mois pour déplacer leur matériel en ligne. Le vice-président pour l’apprentissage ouvert (open learning), Sanjay Sarma, espère qu’à la reprise des cours cet automne, l’expérience sera différente.
« Les instructeurs distribueront des conférences vidéo tôt dans la journée et se concentreront en personne sur l’interaction avec les étudiants, pour s’assurer qu’ils comprennent les concepts enseignés. Un apprentissage dans les deux sens et non plus à sens unique », relève-t-il.
De nombreux établissements apprennent à la dure que le simple fait de fournir du matériel didactique au moyen de plateformes numériques comme Zoom, n’est pas la meilleure façon d’enseigner. Certains éducateurs s’attendent à ce que la pandémie se traduise par un enseignement en ligne de meilleure qualité.
Et pas seulement dans les pays riches. Lorsque les universités du Pakistan ont fermé leurs portes en mars, de nombreux enseignants n’avaient pas les outils nécessaires pour enseigner en ligne et de nombreux étudiants n’avaient pas un accès à Internet fiable à la maison. La pandémie pourrait donc forcer les universités à accélérer leurs plans à long terme pour améliorer la qualité et la pertinence de leur enseignement à distance.
Le reportage de Nature rappelle que la Commission de l’enseignement supérieur du Pakistan travaille à normaliser l’enseignement en ligne et à faire en sorte que les entreprises de télécommunications offrent aux étudiants des forfaits mobiles à large bande moins coûteux.
Les plus petites universités risquent toutefois de ne carrément pas survivre à cette crise D’autres pourraient devoir fusionner. Certaines s’en sortiront peut-être par des approches inédites, comme le réseau micro-campus de l’Université de l’Arizona. Le programme, développé ces dernières années, jumelle l’université avec une institution à l’étranger afin que les étudiants aient un plus grand choix de cours en ligne, tout en ayant un mentor local qu’ils peuvent rencontrer en personne au besoin.
Quant à la recherche, elle ne sera pas épargnée non plus. La pandémie risque de bouleverser les priorités en poussant les universités et les organismes de financement à miser sur les projets les plus pertinents aux intérêts nationaux – en d’autres mots, favoriser un certain repli.
La COVID-19 aura pourtant poussé à une plus grande collaboration internationale, dans le décodage des mécanismes de transmission du virus ou la recherche de traitements et de moyens de prévention: pour les plus optimistes, cela pourrait avoir un effet positif sur la manière dont le secteur de la recherche est perçu au sein de la société, loin de son image élitiste et déconnecté des enjeux sociaux.