Une crise mondiale n’attend pas l’autre: à peine notre société a-t-elle commencé à surmonter – en partie, du moins – la première vague de la COVID-19 que déjà, les économistes lancent de sévères avertissement. Déjà largement endettés avant l’éclatement de la pandémie, plusieurs États sont maintenant au bord du gouffre en raison des emprunts massifs rendus nécessaires par la mise en veilleuse de larges pans de leurs économies et des programmes d’aide qui y sont associés.
Dans une note d’information parue récemment, l’Intelligence Unit, la branche de recherche du magazine spécialisé The Economist, avance que « les années 2020 et 2021 seront à oublier en matière de croissance économique ». Les experts du groupe s’attendent en fait à ce qu’il soit nécessaire de patienter jusqu’en 2022 pour que la croissance reprenne son erre d’aller. À cela, disent-ils, il faut ajouter une forte augmentation de l’endettement des nations, « les gouvernements ayant préféré l’accroissement des dépenses publiques à la destruction généralisée des capacités de production durant la pandémie ».
Si l’endettement « ne sera pas immédiatement source d’inquiétude » pour la plupart des économies développées, écrivent les économistes, il faudra tôt ou tard payer la note. Et impossible, alors, de se tourner vers la bonne vieille recette consistant à adopter des politiques d’austérité. De telles politiques « absorbent le capital politique, et celui-ci pourrait être insuffisant pour aller de l’avant en ce sens », lit-on dans la note d’information. Pourquoi? Tout simplement parce que dans plusieurs États, les effets des compressions imposées après la précédente crise économique, celle de 2008-2009, se font encore sentir. Les effectifs de la fonction publique ne sont plus ce qu’ils étaient, et les programmes publics manquent déjà d’argent pour subvenir aux besoins de la population. Il est également impensable de sabrer dans la santé publique, en raison des exigences énormes suscitées par la pandémie.
Faudra-t-il se rabattre sur les hausses d’impôts? Les experts de The Economist croient que cela est envisageable. Après tout, disent-ils, les taux fiscaux sont en baisse depuis 40 ans, et la pandémie pourrait bien déclencher un mouvement de retour du balancier. Hausser les taxes est toutefois un exercice périlleux, surtout pour les gouvernements devant défendre prochainement leur bilan dans l’isoloir. Et les investisseurs pourraient se lasser des dettes nationales, ce qui empêcherait les États de financer leurs emprunts, ajoutent les experts.
L’Europe et la Chine sous la loupe
De l’autre côté de l’Atlantique, les experts de The Economist disent craindre que les pays membres de l’Union européenne, qui ne peuvent plus émettre des titres de dette dans leur monnaie nationale, pourraient éprouver davantage de difficultés à rembourser leurs lourdes dettes. D’autant plus que les finances de certains des pays les plus touchés, comme l’Espagne et l’Italie, étaient déjà chancelantes avant la pandémie.
L’avantage du Vieux Continent, toutefois, est de disposer d’institutions financières centralisées pouvant intervenir pour venir en aide aux États les plus fragilisés. Un sauvetage de la part de la Banque centrale européenne risquerait toutefois d’envoyer une onde de choc à travers la planète, avance le rapport.
Du côté de la Chine, son rôle de créditeur mondial pourrait s’en retrouver transformé. Pékin commencera-t-il à réclamer ce qui lui est dû, possiblement en prenant davantage le contrôle des économies des pays visés? Qu’en est-il des États-Unis, qui sont davantage endettés auprès de la Chine que des pays européens? En 2018, le Sri Lanka, incapable de rembourser la Chine, avait dû céder le contrôle d’un port commercial, rappellent les experts.