L’intelligence artificielle et l’autodétermination contre le cadre omniprésent d’une société « améliorée » par le déterminisme social et les décisions d’un petit groupe: la saison 3 de la télésérie de science-fiction Westworld a poursuivi les explorations philosophiques propre à cet univers mêlant androïdes et humains déjantés… mais sans disposer des moyens correspondants à ses ambitions.
Après avoir surmonté les nombreux obstacles d’un parc thématique servant non seulement de lieu de vacances privilégié pour l’élite, mais aussi de parcours initiatique visant à donner aux robots réduits en esclavage un moyen d’obtenir leur libération physique et intellectuelle, voilà donc que le personnage de Dolores, interprété par une Rachel Evan Wood toujours aussi en contrôle de son talent, s’installe parmi les humains.
Confrontée à un monde où un mystérieux Serac et son intelligence artificielle Rehoboam décident, à l’aide d’une quantité incroyable de données, qui agira de telle ou telle façon pour assurer la bonne marche de la société humaine, elle cherchera à libérer les humains ordinaires de leur carcan, tout comme elle avait « libéré » ses confrères et consoeurs artificielles du joug des gestionnaires du parc d’attractions, la saison précédente.
La liberté d’expression et d’action doit-elle constamment primer sur le reste, quitte à nuire au bien collectif? Quelles sont les limites acceptables de l’intervention de l’État pour assurer le bien-être des individus? Et peut-on réellement prétendre mener une révolution au nom du plus grand nombre, lorsque les motivations sont principalement personnelles? Tous ces thèmes sont abordés au cours des huit épisodes de cette troisième saison de Westworld, mais là où les créateurs offrent des visuels intéressants, par exemple, ou encore certains rebondissements scénaristiques s’appuyant parfois sur des indices dévoilés au compte-goutte, pour le plus grand plaisir des amateurs de la sous-section de l’agrégateur Reddit consacrée à la série, par exemple, on sent toutefois un certain vide lorsque vient le temps de véritablement creuser les divers sujets mis de l’avant par les scripteurs.
De fait, alors que l’ampleur des enjeux – encore et toujours l’intelligence artificielle, mais aussi la protection de la vie privée, l’échange de la « liberté » contre la « sécurité » au sein d’une société contemporaine, le darwinisme social et la réelle possibilité de s’extirper de la pauvreté par ses propres efforts, notamment – aurait nécessité l’exploration d’une vaste gamme de nuances, la série se contente de nous présenter des personnages généralement unidimensionnels, ou qui sont simplement mal écrits. Ainsi, Serac, qui devrait être l’une des personnes les plus influentes et les plus puissantes de la planète, et qui peut notoirement faire plier des gouvernements entiers, semble ne disposer que de moyens limités. De plus, les dirigeants humains sont généralement ridiculement inaptes, en plus d’être aisément manipulables.
Et que dire de cette chance incroyable dont disposent Dolores et les autres androïdes, dont « l’armure scénaristique » est quasiment impossible à percer. De fait, par exemple, on aura beau constamment leur tirer dessus, ils échapperont généralement aux balles. La faute, probablement, à des hordes d’individus armés qui seraient vraisemblablement incapables d’atteindre une cible située à bout portant.
Tout n’est pas à jeter aux orties, bien sûr, dans cette troisième saison. Vincent Cassel, qui interprète Serac, démontre une nouvelle fois l’ampleur de ses talents d’acteur. Tout comme Ed Harris, qui continue de dévoiler des pans toujours plus sombres et torturés de son personnage de William. Idem pour Tessa Thompson, qui semble franchement s’amuser sous les traits d’une Charlotte Hale ramenée d’entre les morts.
Au-delà de cela, cependant, Westworld démontre clairement, avec cette troisième saison, comment des créateurs peuvent s’avérer incapables de transposer une vision artistique et scénaristique en quelque chose de véritablement concret à l’écran. Y aurait-il fallu présenter davantage d’épisodes? Ou plutôt se tourner vers l’écrit pour disposer du temps et de l’espace nécessaires pour s’intéresser aux nombreux enjeux sociétaux et philosophiques sous-jacents au scénario? Quoi qu’il en soit, il y a fort à parier que le recours à l’esbrouffe se poursuivra lors des saisons suivantes. Après tout, l’émission fait de l’argent. Pourquoi s’arrêter, alors?