De nombreux travailleurs de la santé sont confrontés à un fardeau psychologique, alors qu’ils sont aux premières lignes d’une crise sanitaire sans précédent. Infirmières, médecins, préposés et autres, travaillent depuis des semaines, voire des mois, afin d’aider ceux qui souffrent du nouveau coronavirus, mais ils ont eux aussi du mal à rester à flot, rapporte un récent article de Science.
Il faudra aplatir cette seconde courbe qui s’en va croissante, en raison des longues heures, du risque élevé d’infection et de l’incertitude face à la progression de la pandémie. De nouveaux sondages menés auprès de médecins et d’infirmières en Chine, en Italie et aux États-Unis, détaillent une pléthore de problèmes, y compris des taux plus élevés de stress, d’anxiété, de dépression et d’insomnie.
Les études des épidémies du passé montrent de nombreux effets psychologiques chez ces travailleurs. En 2003, lors de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), 89 % des 271 travailleurs de la santé à Hong Kong avaient signalé des effets négatifs, y compris l’épuisement et la peur des contacts sociaux.
Lors de la même épidémie, à Toronto, les travailleurs de la santé avaient affiché durant deux ans des niveaux d’épuisement professionnel, de détresse psychologique et de stress post-traumatique nettement supérieurs à la normale – on avait alors comparé les employés des neuf hôpitaux de la métropole ontarienne qui avaient combattu la maladie et ceux des quatre hôpitaux d’Hamilton où aucun cas n’avait été pris en charge.
Des résultats préliminaires sur la santé mentale des médecins chinois qui ont combattu la Covid-19, encore non publiés, suggèrent la même chose : un poids psychologique significatif chez les plus jeunes médecins de 12 hôpitaux de Shanghai. Une autre étude auprès de 1257 travailleurs de la santé de 34 hôpitaux de Chine, montre que 72% ont présenté des syndromes de détresse, près de la moitié avaient des symptômes de dépression et d’anxiété et plus du tiers souffraient d’insomnie.
Le cas italien
Une étude pré-publiée le 22 avril note les mêmes symptômes, auto-rapportés par 1379 travailleurs de la santé qui se sont retrouvés en première ligne en Italie. Incluant des troubles de stress post-traumatique chez près de la moitié. On observerait également une forte hausse de l’anxiété et des dépressions sévères chez un travailleur sur 5. Les infirmières seraient particulièrement touchées.
La peur de manquer d’équipement de sécurité, de devoir choisir ceux qui doivent vivre, ou la peur d’affronter la colère de certaines familles, ajoutent un poids à l’anxiété et à la fatigue.
L’accès à un équipement de protection personnelle s’avère par ailleurs essentiel au bien-être physique et mental de ces professionnels, souligne l’assistante professeur en psychiatrie de l’Université de Washington, Jessica Gold, dans un article de STAT News.
Elle rappelle que pour un observateur extérieur, ces professionnels paraissent forts et résilients, mais il s’agit d’une armure pour dissimuler leur anxiété et leur peur.
Qui plus est, pour limiter le risque de propager l’infection, de nombreux professionnels s’isolent de leurs proches. Ce qui a aussi un effet sur la santé mentale, comme l’ont montré dans le passé des études liées au SRAS. Même trois ans après les évènements, cette quarantaine était associée à des symptômes de stress post-traumatiques plus aigus chez ces travailleurs.
Tous suggèrent l’importance de mieux les soutenir, par des mesures préventives (réduction du stress, pleine conscience et matériel éducatif), de l’aide ponctuelle (lignes d’assistance téléphonique, soutien en cas de crise) et des traitements (télé-psychiatrie et médicaments au besoin). Et ce, pendant un certain temps: parce que les conséquences se feront sentir durant des années.
Il importe enfin que les gestionnaires contribuent à lutter contre cette courbe ascendante de troubles mentaux, souligne encore une analyse parue le mois dernier. Cela demande une transparence sur les risques réels mais aussi un renforcement des équipes, et une meilleure communication des décisions. En plus d’un suivi, bien après que la Covid-19 aura quitté les murs de l’hôpital.
L’Association médicale américaine a récemment publié un document à l’intention des travailleurs de la santé en première ligne, pour mieux gérer les symptômes de santé mentale et elle invite les dirigeants des hôpitaux à en faire une priorité. L’Agence de la santé publique du Canada publie également un guide sur Comment prendre soin de soi comme intervenant.