La course au vaccin contre le nouveau coronavirus est entamée: il y aurait près de 78 vaccins actuellement en développement. Il faudrait apparemment attendre encore un an et demi dans le meilleur des scénarios, mais les chercheurs préviennent déjà qu’il pourrait être physiquement impossible de produire suffisamment de vaccins pour tout le monde.
C’est ce que rappelait récemment la revue Nature. C’est sans compter que les pays riches pourraient accumuler des réserves. Que la production dépendra du type de vaccin le plus efficace. Et qu’il faudra continuer de répondre aux besoins mondiaux pour la production des autres vaccins.
Les usines du monde entier peuvent en effet produire des centaines de millions de doses de vaccin antigrippal chaque année. Mais si des milliards de personnes ont besoin du nouveau vaccin contre le coronavirus et que les entreprises poursuivent leur production de vaccins contre la grippe, la rougeole, les oreillons, la rubéole et les autres maladies, une pénurie de production est à craindre, affirme dans ce reportage de Nature David Heymann, un spécialiste des maladies infectieuses de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Il est également à la tête d’un groupe d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les urgences liées aux maladies comme l’actuelle pandémie.
L’OMS travaille sur un plan pour assurer une distribution équitable des vaccins mais pour bon nombre d’experts, les contraintes d’approvisionnement, tant physiques que politiques, s’avèrent préoccupantes.
Un des défis pour créer rapidement beaucoup de vaccins est que l’infrastructure nécessaire sera différente selon le type de vaccin. Il peut s’agir d’une version affaiblie ou inactivée du coronavirus, ou d’une partie d’une protéine de surface ou d’une séquence d’ARN ou d’ADN, injectée à l’intérieur d’une nanoparticule ou d’un autre virus, comme c’est le cas pour la rougeole.
Si les vaccins fabriqués à partir de formes inactivées du SRAS-Cov-2 devaient s’avérer être les plus efficaces, l’estimation de ce qu’il faudrait pour produire des doses serait facile, car il s’agit d’une technologie industrielle existante depuis les années 1950.
La production et la purification du virus SRAS-CoV-2 à haute concentration nécessite toutefois des équipements biosanitaires certifiés de niveau 3, et il y en a peu. Au moins une douzaine d’entreprises poursuivent l’idée d’injecter dans les formulations corporelles d’ARN ou d’ADN, un processus plus simple à fabriquer en grande quantité, mais aucun vaccin avec cette approche n’est approuvé chez l’humain – seulement pour des usages vétérinaires. Les adjuvants pour les vaccins composés d’une protéine SRAS-CoV-2 de même que d’autres ingrédients risquent d’être rares en cette période de pandémie.
Une autre interrogation, et non des moindres, reste monétaire : comment s’assurer que les gouvernements et les entreprises du monde entier investissent suffisamment d’argent dès maintenant, afin que les vaccins puissent être fabriqués rapidement en 2021?
Près de 2 milliards seront nécessaires pour les premiers essais des vaccins candidats, avance la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), une organisation non gouvernementale destinée à stimuler le développement de vaccins et fondée par le géant caritatif Welcome Trust.
Il faudra au milieu de tout cela veiller à financer la production de vaccins pour les populations vulnérables qui ne pourraient pas le produire elles-mêmes, ce qui a déjà été fait avec le mécanisme de financement international pour la vaccination (Iffim) pour recueillir des fonds lors de précédentes vaccinations pédiatriques.
Reste que même si beaucoup de vaccins sont fabriqués, on ne peut pas forcer les pays à les partager. Pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009, l’Australie a été parmi les premiers à fabriquer un vaccin, mais elle a freiné son exportation.
La plupart des pays possèdent d’ailleurs une loi qui leur permet d’obliger les manufacturiers à privilégier le marché domestique. Et il n’existe pas encore, selon le CEPI, d’accord sur les principes d’attribution équitable, faute d’une entité mondiale chargée de commander et de payer la fabrication de vaccins à l’échelle internationale.
L’Organisation mondiale de la santé tentera de veiller à une distribution équitable des souches des vaccins comme elle l’avait fait avec l’épidémie d’influenza qui avait frappé l’Indonésie, la Chine et l’Égypte en 2011. En vertu de cette entente les pays sont contraints de fournir des échantillons de virus à un réseau de laboratoires coordonnés par l’OMS. Mais rien ne garantit que ce processus pourrait être utilisé pour l’actuelle pandémie.