À l’aube de la deuxième guerre d’Irak, Katharine Gun, une analyste du GCHQ, l’agence de surveillance du Royaume-Uni, a transmis une note de la NSA américaine demandant que l’allié britannique serve à faire pression sur les autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir une résolution favorable à l’invasion réclamée par Washington. Le récit de ce geste et des conséquences qui en découlèrent se retrouve dans Official Secrets, un docudrame sorti l’an dernier.
Révoltée par la demande des Américains, Katharine, solidement interprétée par Keira Knightley, transmettra la note à une amie militant contre la guerre, et le document atterrira éventuellement entre les mains de Martin Bright, journaliste à l’Observer, un journal londonien. De là découlera une éventuelle poursuite contre Mme Gun, qui sera accusée d’avoir violé la Loi sur les secrets officiels – d’où le titre du film, on l’aura compris.
Docudrame structuré selon la formule classique, Official Secrets est porté par une distribution impressionnante. Outre Mme Knightley, dont les qualités d’actrice ne sont plus à prouver, plusieurs grands noms se prêtent au jeu dans ce long-métrage: Ralph Fiennes, d’abord, qui interprète l’avocat idéaliste, mais aussi Matt Smith (Doctor Who, The Crown), qui jouera au journaliste, Matthew Goode (The Crown), Rhys Ifans (Harry Potter and the Deathly Hallows, The Amazing Spider-Man), ainsi que quelques têtes d’affiche de Game of Thrones.
Tout ce beau monde joue bien, donne bien la réplique, le tout dans un climat fort intéressant de tension pré-guerre en Irak. Si le public nord-américain se souvient surtout des discours de George W. Bush et de la présentation mensongère de Colin Powell devant le Conseil de Sécurité des Nations unies, à New York, de l’autre côté de l’Atlantique, le premier ministre de l’époque, Tony Blair, a lui aussi matraqué des affirmations fausses selon lesquelles Saddam Hussein disposait d’armes de destruction massive. Le mouvement anti-guerre a là aussi été très vif, potentiellement, entre autres, grâce au geste posé par Mme Gun.
Ce qui a potentiellement nuit à Official Secrets, sans doute, c’est qu’outre sa formule classique, sans véritable dénouement – le gouvernement a abandonné la poursuite, fort probablement de crainte de voir des informations compromettantes être exposées à la vue du public –, n’a pas non plus marqué les esprits, du moins, chez le public nord-américain. L’affaire a-t-elle été passée sous silence par les médias d’ici? Ou l’inconscient collectif a-t-il décidé de ne pas penser à la guerre en Irak, un conflit au sein duquel les Américains sont toujours impliqués, et qui a ultimement donné naissance au groupe armé État islamique?
Quoi qu’il en soit, si Official Secrets atteint ses cibles en rapportant les faits de façon claire et concise, sans trop donner dans l’exagération, on n’y retrouve évidemment pas le glamour que les Américains (et les Canadiens aussi, sans doute) aiment accoler à l’époque des années 1970, du Watergate et des Pentagon Papers. Faudra-t-il attendre que la guerre en Irak soit terminée depuis 30 ans pour qu’Official Secrets trouve son public, et que les cinéphiles considèrent comme vintage le fait que les protagonistes utilisent des téléphones à rabat, par exemple? Personne ne le sait. Mais en attendant, Official Secrets fait partie de ces bons films qui ne resteront malheureusement pas très longtemps en mémoire.
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