« Les chiffres que nous donnent les médias sont faux », répète avec insistance le narrateur d’une vidéo partagée des centaines de milliers de fois sur YouTube. Ses propres chiffres ne sont toutefois pas toujours vrais, et que même lorsqu’ils le sont, leur interprétation laisse à désirer, constate le Détecteur de rumeurs.
Pour l’auteur, « le problème est surestimé », compte tenu du petit nombre de gens qui, atteints du coronavirus, vont en mourir. Ce type d’affirmation est revenu sous plusieurs autres formes à travers les réseaux sociaux et certains grands médias, ces dernières semaines.
L’auteur dit: « des personnes décèdent de diverses causes, mais lorsqu’ils sont porteurs du coronavirus, on considère que c’est ce coronavirus qui en est la cause ». Vrai ou faux?
« Si les personnes ayant un ou plusieurs troubles de santé en plus de la COVID-19 sont plus sujettes aux complications, c’est bien le virus qui les tue », répond la Dre Cécile Tremblay, microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Elle explique que chez certaines personnes infectées par le virus, il se produit une réaction inflammatoire hors de contrôle. Celle-ci affecte les poumons, il y a un défaut d’oxygénation et les gens s’étouffent. C’est donc le virus qui entraîne directement la mort chez ces patients.
L’auteur insiste ensuite à deux reprises sur le fait que le taux de mortalité du coronavirus serait d’à peine 1%. Vrai ou faux?
Le fait que cette affirmation vienne immédiatement après la précédente peut laisser croire que l’auteur veut dire que seulement 1% des gens qui meurent du coronavirus sont bien morts du coronavirus (et pas d’autres maladies). Il se réfère pour cela à des chiffres de l’Institut italien de la santé datant du 17 mars. Selon le rapport épidémiologique d’alors, 0,8% des personnes qui étaient mortes du coronavirus n’avaient aucune autre maladie. Par conséquent, plus de 99% des personnes qui étaient mortes du coronavirus étaient aussi atteintes d’au moins une autre maladie. Toutefois, il serait erroné, comme l’explique la Dre Tremblay, d’en conclure que seules les personnes qui n’avaient « que » le coronavirus sont mortes du coronavirus.
Mais il est également possible que l’insistance de l’auteur sur ce 1% soit une allusion au taux de létalité, c’est-à-dire le pourcentage de gens qui, parmi tous ceux qui ont eu le coronavirus, sont décédés.
Dans ce dernier cas, l’affirmation est peut-être vraie, mais prématurée. Les chiffres sur le taux de décès varient pour l’instant d’un pays à l’autre, et le trop petit nombre de tests de dépistage ne permettront pas d’avoir de certitudes avant des mois.
De toute façon, que ce soit 1% ou plus, ce taux n’est jamais la seule donnée permettant de juger de la dangerosité d’un virus. Sa capacité à provoquer des complications graves, de même que son taux de contagion, sont aussi des critères importants. Et les données démontrent que ce coronavirus est plus contagieux que la grippe.
L’auteur dit: « Le problème est surestimé. » Vrai ou faux?
L’auteur appuie ce jugement sur le fait que, dit-il, « le nombre de décès va atteindre les 20 000 dans le monde » alors qu’en comparaison, le cancer tue 9 millions de personnes chaque année.
Or, s’il y avait effectivement 20 000 décès le 26 mars, lorsqu’il a préparé sa vidéo, le total a dépassé les 100 000 le 10 avril. Et ce, en moins de trois mois.
« Déjà, le laps de temps pendant lequel les personnes sont infectées et en meurent est très court dans le cas de la COVID-19, rappelle Cécile Tremblay. En plus, on ne peut pas comparer une maladie infectieuse aigüe, qu’on peut éviter en prenant des mesures adéquates, à une maladie comme le cancer ».
Par ailleurs, le fait que des mesures de confinement soient imposées en ce moment à des milliards de personnes contribue inévitablement à réduire le nombre de décès par rapport à ce qui se serait passé sans confinement.
Même la comparaison que fait l’auteur avec la grippe est hasardeuse. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de décès causés chaque année par la grippe oscille entre 290 000 et 650 000. Si la tendance se maintient, la COVID-19 pourrait dépasser le seuil des 300 000 décès ce printemps. Et personne ne se risque pour l’instant à prévoir combien de morts elle causera en Inde et sur le continent africain. De plus, il n’est pas impossible, comme ce fut le cas avec la grippe espagnole, qu’une seconde vague de contagion survienne dans quelques mois.