Drôle de visionnement que cette relecture « disney-isé » de Dolittle délaissant les décors modernes des versions de Eddie Murphy et s’entourant de CGI et de faux animaux, alors qu’il devient évident dans tous les recoins qu’on ne savait plus où donner de la tête pour sauver le projet du naufrage. L’échec finit par surpasser la fascination malsaine qui nous habite toutefois tout du long.
L’effort était louable, puisque quand l’inspiration manque, on s’amuse toujours à faire revivre ces classiques qui ne savent pas nous quitter. Les mésestimés Pan de Joe Wright et Wendy de Behn Zeitlin réinventant à leur manière l’inoubliable Peter Pan de Barrie ont prouvé, après tout, les possibilités de la relecture lorsqu’une bonne vision s’y prête. Comme les productions familiales dignes de mention ne pleuvent pas, on aurait pu au moins avoir droit à quelque chose de passable, histoire d’amuser les petits et de ne pas trop ennuyer les grands.
Contre toute attente, si l’ensemble est indéniablement raté, on ne s’ennuie pas nécessairement. D’abord, parce que les enfants (et notre cœur d’enfant) trouveront le moyen d’être un tant soit peu émerveillés ici et là, les revirements ne manquant pas pour accentuer l’aspect aventure de l’ensemble, mais aussi parce que la modernisation inattendue de l’œuvre est passé via des procédés qu’on n’attendait pas, surtout dans une telle production.
Ayant réalisé qu’on n’avait pas réussi à reproduire la formule usinée du succès de Disney et que de simplement s’en tenir à l’expertise du CGI ne suffisait pas, on s’est fait plaisir au niveau de la distribution vocale. Du côté des humains, Michael Sheen délire en méchant hystérique de service pendant que Jessie Buckley, littéralement inerte, est aussi sous-utilisée que Jim Broadbent, alors que Antonio Banderas est beaucoup trop honoré de faire parti d’une telle production. On connaît après tout la faiblesse de l’acteur espagnol pour les productions enfantines, de Spy Kids à Shrek ou même The SpongeBob Movie : Sponge Out of Water. Tout l’inverse de Robert Downey Jr., qui délaisse finalement son Iron Man, mais sans donner l’impression qu’il ressuscitera à nouveau sa carrière comme maintes fois dans le passé, entièrement sur le pilote automatique de la bizarrerie, prêt à prendre le flambeau de Johnny Depp.
Ce n’est toutefois rien à côté de la distribution vocale dans sa version originale anglaise, puisqu’on leur a permis de parler avec des expressions modernes et du slang seulement compréhensible pour notre génération, donnant des résultats qui détonnent constamment. Entendre Selena Gomez en girafe dire « See You Later Suckers » ou John Cena en ours polaire appeler quiconque « bro », cela surprend à chaque fois.
Bien sûr, avoir nuls autres que Ralph Fiennes, Octavia Spencer, Emma Thompson, Marion Cotillard, Craig Robinson et Tom Holland, notamment, ne fait pas de tort pour bien texturer la piste sonore, surtout lorsque celle-ci est rehaussée par des compositions de Danny Elfman, toujours agréable, même lorsqu’il n’est pas nécessairement inspiré. Sauf que comme de coutume, Jazon Mantzoukas dans le rôle d’une mouche et Kumail Nanjiani (comme il l’avait aussi prouvé dans le très fade Men in Black : International) volent constamment la vedette haut la main et prouvent à nouveau que toutes les productions mériteraient de les avoir à leur bord.
Pour le reste, il s’agit d’un changement de cap épatant pour le réalisateur Stephen Gaghan, qui délaisse le sérieux et la monotonie de ses efforts précédents pour une œuvre accessible a priori à tous. Si le surplus d’éléments partant dans tous les sens a probablement été trop compliqué à diriger (les complications du film et l’aide d’un grand nombre de personnes externes ayant été appelées pour sauver la production le laissant sous-entendre), il reste honorable de le voir persister à essayer de trouver son genre de prédilection.
Dommage alors que la jolie introduction animée (évoquant à ses heures Charlie and the Chocolate Factory) et les images lumineuses de Guillermo Navarro, collaborateur régulier de Guillermo Del Toro, n’arrivent pas à bien rendre le va-et-vient vers l’humour simpliste, les élans fantaisistes (malgré un intriguant passage avec un dragon) et cette tentative de donner dans la psychologie à deux sous pour être plus touchant à ses heures. Le scénario confus face à des enjeux d’intérêt moindre étant fort probablement en cause, tout comme ces effets spéciaux loin d’être toujours au point.
Sur cette édition convenable d’Universal, si aucun supplément n’est nécessairement essentiel, ces petits segments d’une durée variant entre deux et cinq minutes offrent un joli accès aux coulisses de la production. Ironiquement Robert Downey Jr. est meilleur à parler du film et de ses collègues que durant tout le film, alors que de voir le jeune Harry Collett n’avoir qu’admiration pour son partenaire de jeu s’avère tout simplement irrésistible. On aurait probablement pris des bloopers, un regard plus approfondi sur les effets spéciaux (c’est toujours très drôle de voir tous ces artisans dans ces costumes moulants de couleur verte) et des outtakes de certaines répliques comme plusieurs ont sans aucun doute été improvisées.
Enfin, Dolittle est en tout point un long-métrage oubliable, gâchant à la tonne un nombre aberrant d’artistes talentueux. Il n’en demeure pas moins un film divertissant pour les enfants et avec assez d’éléments bizarroïdes pour intriguer les adultes. Un naufrage qui divertit, loin du désastre de certains efforts de Tim Burton, si l’on veut comparer et oser mentionner l’horripilant Alice in Wonderland), disons qu’à défaut de mieux on le prendra sans trop en attendre davantage en retour. Comment leur en vouloir, après tout, lorsque l’adorable générique sous forme de tableaux démarre avec une nouvelle chanson de Sia?
4/10
Dolittle est disponible en DVD et en combo blu-ray/DVD via Universal depuis le 7 avril dernier.