Les films de Batman se suivent et… se ressemblent un peu. Oh, il y a bien entendu des incongruités – et le mot est faible – comme Batman v. Superman: Dawn of Justice, mais lorsqu’il est question d’adapter les aventures du justicier masqué au grand écran, les dessins animés sont souvent plus intéressants que les oeuvres tournées en chair et en os.
Dernier venu de cette pléthore de longs-métrages animés du « meilleur détective du monde », Batman: The Killing Joke, réalisé par Sam Liu et sorti directement en vidéo sur demande et sur DVD/Blu-ray, est l’adaptation de la bande dessinée du même nom parue en 1988 sous les traits de Brian Bolland, avec Alan Moore au scénario.
Encore et toujours aux prises avec la fange criminelle de Gotham, Batman est également confronté à une Batgirl réclamant farouchement son indépendance, et surtout sa capacité à mener elle-même ses enquêtes, et donc éventuellement voler de ses propres ailes. À travers cette relation complexe entre mentor et protégée se glissent également des échanges sentimentaux. Après tout, Barbara Gordon est une jeune femme indépendante, et personne ne s’étonnera que les deux combattants du crime finissent par éprouver des sentiments l’un pour l’autre. La présence d’une courte scène de sexe dans le film a d’ailleurs provoqué une certaine controverse sur le web, certains décriant ce qu’ils considèrent comme une sexualisation à outrance du personnage ou son objectification. Pourtant, n’est-il pas plutôt anormal que des personnes si étroitement liées, qui sont constamment placées dans des situations dangereuses, et qui vivent des existences secrètes en viennent à abaisser leur garde et à profiter de ce qu’ils qualifieront par la suite de moment de faiblesse?
Mais si The Killing Joke explore ainsi davantage la psyché de Batgirl et sa relation avec Batman, le film porte également sur les similitudes et les différences psychologiques entre le défenseur de Gotham et son pire ennemi, le Joker. Car oui, ce dernier s’est (encore) échappé, et tentera de rendre fou le commissaire Gordon après avoir tiré sur sa fille, la blessant irrémédiablement à la colonne vertébrale, un moment charnière dans la chronologie des aventures de Batman.
Si l’on n’échappe pas au traditionnel affrontement entre Batman et son ennemi juré, tel que vu dans quantité d’autres films, ainsi que dans l’excellent Batman: The Animated Series, The Killing Joke choisit en fait de présenter notre héros comme un homme fatigué. Fatigué de se battre, fatigué de chercher à comprendre sans succès son adversaire, fatigué de recommencer la prochaine fois que son reflet dément se sauvera de sa cellule à l’asile d’Arkham. « L’un de nous deux finira par tuer l’autre. J’ignore qui ce sera, j’ignore si cela se produira tôt ou tard », lancera-t-il vers la fin du film. Chose rare dans un film de Batman, où notre justicier n’éprouve souvent aucune émotion à l’exception de la colère des suites du meurtre de ses parents, le défenseur de Gotham cherche à mettre fin aux violences sans user de ses poings. Faudra-t-il réellement tuer le Joker pour en finir? Notre héros l’a déjà fait dans Batman: The Dark Knight Returns, une fable hyperviolente montrant son côté le plus sombre.
À mi-chemin entre le Batman des dessins animés et sa morale plus simpliste et les oeuvres les plus noires du répertoire, The Killing Joke donne hélas l’impression que les scénaristes étaient pressés dans le temps. On aurait voulu davantage de questionnements philosophiques, davantage d’exploration psychologique. Mais fallait-il plutôt contenter les amateurs réclamant toujours plus de courses-poursuites, toujours plus de combats à mains nues, toujours plus d’explosions? Sans doute faudra-t-il lire la bande dessinée originale pour obtenir réponse à ces questions.