Faut-il sauver l’économie, ou sauver la santé de la population? Personne n’aurait pu imaginer que le débat serait à ce point mis de l’avant par un président avide de visibilité. Mais il se trouve que cela se calcule bel et bien, du moins si on se tourne vers la grippe espagnole d’il y a un siècle.
Selon une analyse publiée le 26 mars par trois économistes américains, ce sont « les pandémies qui dépriment l’économie, pas les interventions de santé publique ».
Leur analyse pourrait être vue comme une réponse à un argumentaire qui a beaucoup circulé ces dernières semaines aux États-Unis, à l’effet que les politiques de confinement généralisées, parce qu’elles mettent à mal l’économie, seraient « un remède pire que le mal » qu’est la COVID-19. Or, c’est plutôt le contraire, écrivent ces trois économistes: si la grippe espagnole de 1918 doit servir de modèle, ce sont les villes qui sont intervenues le plus vite et le plus agressivement (distanciation sociale, isolement, quarantaine, hygiène publique) qui ont connu tout de suite après « une augmentation relative de l’emploi manufacturier, de la production manufacturière et des avoirs des banques », dès 1919.
Les auteurs en concluent que ce qu’ils appellent dans leur jargon les « interventions non-pharmaceutiques », là où elles avaient été organisées tôt et à grande échelle, « n’ont eu aucun effet négatif sur les résultats économiques locaux ».
C’est sans surprise qu’on constate qu’une « plus faible activité économique » pendant les années précédentes a été associée à un plus haut taux de mortalité pendant la pandémie. Cela que cela signifie en clair, c’est que le virus a frappé plus durement dans les villes ou les régions les plus pauvres. Mais l’écart devient encore plus fort en fonction des endroits où ces « interventions non-pharmaceutiques » ont été implantées. Et cet écart, entre les régions les plus affectées et les autres, demeure mesurable de 1919 à 1923.
Ces économistes ne sont pas les premiers à faire cette corrélation. Une étude parue en 2007 dans le Journal de l’Association médicale américaine avait montré — avec des tableaux en tous points similaires à ceux qui circulent depuis deux mois — que certaines des villes qui, en 1918, croyaient être arrivées de « l’autre côté de la courbe » — autrement dit, le nombre de nouveaux cas quotidiens diminuait— et qui avaient levé trop tôt les restrictions sur les déplacements, avaient vécu un « deuxième pic » d’infections.
La grippe dite « espagnole » — qui n’est pas vraiment née en Espagne, mais aux États-Unis — a couru de janvier 1918 à décembre 1920. Elle aurait infecté, selon les estimations, jusqu’à 500 millions de personnes, ou un tiers de la population mondiale. Le nombre de décès estimé varie, d’un historien à l’autre, entre 20 et 50 millions — la grippe ayant été la cause indirecte d’un nombre énorme de décès.
Coronavirus: le taux de mortalité de 3,4% était de la mauvaise vulgarisation