La première alerte internationale sur ce qui allait devenir la COVID-19 est apparue le 30 décembre, sur une modeste liste de discussion par courriel gérée par un groupe international de passionnés — qui ont suivi à la trace pratiquement toutes les épidémies des 20 dernières années.
Une « pneumonie » d’origine inconnue dans la région de Wuhan, en Chine: c’est le message qui a été envoyé sur cette liste peu avant minuit, le 30 décembre, heure de New York, par l’épidémiologiste Marjorie Pollack. Trois heures plus tôt, celle-ci avait reçu un courriel d’un collaborateur régulier de ProMed, qui l’avertissait d’un message sur le réseau social chinois Weibo. Message annonçant que le Comité municipal de santé de la ville de Wuhan avait publié « un avis d’urgence sur le traitement d’une pneumonie de cause inconnue ». En trois heures, l’existence de cet avis avait été contre-vérifiée, et l’alerte était envoyée aux quelque 83 000 abonnés de ProMed.
Le magazine Wired, qui consacre un article cette semaine à cette liste et à son site « low tech », signale que c’est également ProMed (Program for Monitoring Emerging Diseases) qui, le 10 février 2003, avait été le premier à lancer l’alerte sur ce qui serait connu sous le nom de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), un autre coronavirus.
Et cette fois, tout comme en 2003, c’était une alerte qui avait des allures inquiétantes: « Wuhan a continué de surveiller l’évolution de maladies associées à l’influenza et 27 cas de pneumonie virale ont été trouvés, tous diagnostiqués avec des pneumonies ou des infections pulmonaires. Sur les 27, 7 étaient dans un état critique, et les autres étaient sous contrôle… L’enquête a découvert que la plupart des cas provenaient du marché des fruits de mer South China, dans le district de Jianghan. »
ProMed a été créé en 1994 par deux épidémiologistes et une biologiste. Cette année-là, Internet commençait à peine à devenir un outil pour le grand public — Mosaic, le premier fureteur permettant de naviguer sur le Web « avec des images » n’avait été lancé qu’en 1993. Cette année-là aussi, une foule d’institutions et de grands médias se lançaient sur le Web, offrant soudain un accès à une masse d’informations provenant des quatre coins du monde. Ces trois professionnels y avaient vu une opportunité pour créer un outil qui surveillerait en temps réel les alertes de santé publique dignes d’intérêt pour quiconque s’inquiétait de voir surgir inopinément une nouvelle épidémie dans un coin ou l’autre de la planète.
Une cinquantaine de personnes forment à présent « l’équipe » de collaborateurs en bonne partie bénévoles de cette liste d’envoi, qui n’a guère changé de format en plus de deux décennies —et qui a plusieurs fois été le signal d’alarme espéré par ses fondateurs.
Après l’envoi du courriel le 30 décembre, il a suffi de 24 heures pour que quelques personnes capables de lire le mandarin se mettent à en apprendre davantage sur ce qui se passait à Wuhan —entre autres choses, qu’il s’agissait bel et bien d’un nouveau coronavirus, apparenté à celui de 2003 qui avait causé le SRAS. Le 1er janvier, le South China Morning Post, le plus influent quotidien de Hong Kong, publiait le premier article journalistique fouillé à portée internationale sur cette mystérieuse épidémie.