Il y a un siècle et demi, environ, le début de l’intérêt d’Auguste Escoffier pour l’alimentation et la gastronomie allait transformer la façon dont la nourriture était produite – et par ricochet, dégustée, consolidant au passage la place de la France au panthéon de la bonne chère. Le tout est résumé de fort belle manière dans le documentaire Auguste Escoffier, ou la naissance de la gastronomie moderne.
https://vimeo.com/391256372
Ce n’est pas parce que l’édition physique a été annulée que l’on ne peut pas se régaler des bijoux de la déclinaison 2020 du Festival international des films sur l’art (FIFA). Voilà donc que l’incontournable de la scène culturelle montréalaise, déplacé uniquement en ligne, permet de découvrir l’origine des arts de la table contemporains, que l’on peut bien entendu observer en France, mais aussi dans tout grand restaurant qui se respecte, à travers le monde. Laissons donc de côté les commandes à emporter et les tables retirées pour respecter les consignes d’éloignement, et permettons-nous de rêver un peu… Et de se mettre l’eau à la bouche.
Réalisé par Olivier Julien, le documentaire suscite un questionnement dès le départ: la gastronomie est-elle un art? Si elle ne se retrouve pas dans la liste traditionnelle des déclinaisons artistiques, ni même dans celle, contemporaine et prolongée, qui compte justement le cinéma, mais aussi parfois la bande dessinée et les jeux vidéo, la gastronomie est non seulement l’art de bien manger, mais aussi l’art de bien faire à manger. En ce sens, Escoffier, inspiré par la révolution industrielle, politique et sociale du IIIe Empire, durant la deuxième moitié du 19e siècle, entreprendra de dépoussiérer une cuisine française alors trop lourde, trop complexe, trop figée dans le temps, pour l’adapter à une époque résolument moderne.
Des lieux de la haute à Paris, puis à Monte-Carlo, et enfin à Londres et à New York, Escoffier a jeté les bases, puis perfectionné un nouvel art gastronomique, celui d’une cuisine inspirée et inspirante, s’appuyant régulièrement sur les vedettes et les courants du moment, par exemple, pour créer de nouveaux plats originaux et audacieux.
Oui, le documentaire est d’une facture relativement classique, avec entrevues réalisées en compagnie d’historiens, de chefs et de spécialistes, mais en combinant tout cela avec des reconstitutions historiques franchement réussies et des images d’archives, Julien réussit à donner vie à une histoire palpitante, et surtout à donner l’impression que le grand chef, qui fut aussi entrepreneur, gestionnaire et visionnaire, est toujours bien présent, de nos jours, pour guider ses héritiers qui continuent de transmettre son savoir et de perfectionner une cuisine française qui n’a bien franchement aucune envie de péricliter.