Comment trouver le bonheur lorsqu’on a des rêves plein la tête, mais qu’on vit dans la campagne profonde de Russie avec pour seule distraction la visite de quelques militaires postés à proximité? Olga, Macha et Irina sont jeunes et instruites mais dominées par l’ennui. Très différentes dans leurs personnalités respectives, elles partagent toutefois le même vain espoir de retourner vivre à Moscou, la ville dont elles ont gardé le souvenir d’une enfance pleine de félicité.
C’est onze ans auparavant qu’avec leur père muté commandant de brigade, les trois sœurs et leur frère André se sont installés dans cette petite ville de province perdue au milieu de nulle part. La pièce débute au premier anniversaire de la mort du père, un 5 mai qui coïncide avec l’anniversaire de la plus jeune des sœurs. Cette année de deuil douloureux est maintenant achevée et fait place aux espoirs de vie heureuse.
Olga, l’ainée, travaille laborieusement dans une école; Macha, la seconde est mariée à un homme qui ne la satisfait pas, et la troisième, Irina, occupe un travail qu’elle n’aime pas. André, le frère, aurait pu devenir professeur d’université. Au lieu de cela, il s’est amouraché d’une jeune fille vulgaire et un peu caractérielle qu’il va épouser, et s’adonne frénétiquement aux jeux d’argent.
Moscou symbolise l’enfance, l’ailleurs, le bonheur perdu qui ne peut jamais être retrouvé dans la réalité. Quant aux hommes qui traversent la vie de ces trois femmes, ils ne font que passer. Ce sont des militaires postés dans une garnison voisine, mais qui partiront pour la Pologne en emportant avec eux le peu de satisfactions qu’ils pouvaient susciter chez elles.
Dans une mise en scène qui aurait pu être plus audacieuse, des décors minimalistes et de beaux costumes d’époque (qui auraient pu être actualisés au monde contemporain), les acteurs incarnent onze personnalités extrêmement différentes.
La pièce est pleine de contrastes entre bonheurs illusoires et vains espoirs. Au début, une musique à la fois triste et joyeuse ouvre la scène lugubre de célébration (de deuil et d’anniversaire) monochrome, mais avec des ballons colorés.
Tous les personnages sont très intéressants dans les caractéristiques psychologiques qu’ils exposent sous la plume de Tchékhov et particulièrement bien incarnés par la distribution. Et le texte génial du dramaturge révèle des parcours de vie des trois sœurs et de leur frère qui sont tous contrariés par les événements.
Sans doute l’ennui pouvait-il laisser la place à l’espoir par moments, mais les espoirs s’éteignent les uns après les autres.
La pièce présentée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) est sans conteste à voir. Les acteurs sont remarquables. L’ironie et l’humour paradoxal sont bien présents, mais auraient sans doute pu être encore accentués par une scénographie un peu moins conventionnelle.
Les Trois Sœurs, du 3 au 31 mars 2020, au TNM.
Texte original d’Anton Tchekhov, traduction française, dramaturgie et mise en scène de René Richard Cyr