Voilà plusieurs années que l’on dit que la démocratie est malade. Une assertion qui semble se vérifier avec la dérive vers l’autoritarisme de plusieurs dirigeants et nations, ainsi qu’avec l’affaiblissement des institutions, régulièrement secouées par des crises. Une grande enquête effectuée dans 34 pays par le Pew Research Center révèle toutefois que si la démocratie a effectivement pris du plomb dans l’aile, l’idée est toujours solidement ancrée dans les moeurs.
Si l’engagement envers la démocratie comme telle demeure populaire, donc, certaines de ses composantes ne suscitent pas nécessairement l’approbation d’une forte proportion des répondants. Au dire de l’enquête, les grands piliers de la démocratie demeureraient l’impartialité du système judiciaire (84% des répondants jugent cet aspect important), l’égalité des genres (74%), la liberté de religion (68%), et la tenue régulière d’élections (65%).
Déjà là, pourtant, les idéaux avancés ne recueillent l’approbation que des deux tiers des participants à l’enquête. D’autres facettes de la démocratie pourtant généralement considérées comme essentielles, telles la liberté de presse, la liberté d’expression et la liberté sur internet ne sont considérées importantes en démocratie que par 64, 64 et 59% des répondants, respectivement.
Pire encore, la frustration envers les élites sociales, politiques et économiques alimente l’insatisfaction des répondants envers les régimes démocratiques: 64% des répondants jugent que les dirigeants élus n’ont cure des besoins et des avis de la populace. Et, dans presque tous les pays impliqués dans l’étude, écrit le Pew Research Center, les répondants qui pensent justement que les politiciens ne s’intéressent pas aux « gens ordinaires » ont davantage tendance à être insatisfaits de la façon dont la démocratie fonctionne dans leur pays.
Une démocratie qui se porte bien… malgré tout
Malgré les inquiétudes quant aux reculs de la démocratie aux États-Unis, notamment depuis l’élection du président Donald Trump, ainsi qu’en Europe et en Amérique Latine, deux continents où plusieurs pays ont élu des dirigeants autoritaires, ou là où les systèmes démocratiques en place se sont effondrés sous la pression sociale pour faire place à des dirigeants autocratiques, les répondants à l’enquête ont toutefois jugé que la démocratie y était toujours solidement implantée.
La liberté d’expression, par exemple, valeur par excellence, a pris de l’importance aux yeux des répondants de nombreux pays, y compris en Turquie, en France, en Hongrie, au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou encore aux Philippines.
Cependant, en Israël et en Inde, cette importance a pris du recul. En Inde, tout particulièrement, à peine 32% des participants ont jugé que cet aspect de la démocratie était important. Cela pourrait s’expliquer par la polarisation avancée des relations déjà tendues entre hindous, qui sont largement majoritaires en Inde, et musulmans. Une loin récemment adoptée par le gouvernement, sous l’égide du premier ministre nationaliste Narendra Modi, vient pratiquement classer les musulmans, associés à l’ennemi pakistanais, comme des citoyens de seconde zone. Plusieurs manifestations contre cette loi ont tourné à l’émeute, et les autorités sont généralement accusées de fermer les yeux sur les violences infligées aux musulmans, mais de punir sévèrement les coupables lorsque des hindous sont ciblés.
Du côté de la liberté de presse, même des pays comme les États-Unis, où justement cette liberté est très étroitement associée à la liberté d’expression, enregistrent des reculs, et ce malgré le fait que cette notion est en fait plus populaire chez une partie de la population. Cette section du peuple américain est cependant associée au Parti démocrate, tandis que les gens rattachés au Parti républicain estiment plutôt que les « grands médias » travaillent généralement contre les intérêts de la nation. La faute, sans doute, aux attaques lancées sans relâche par le parti, une tendance qui n’a fait que s’accentuer depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui n’hésite pas à qualifier les journalistes « d’ennemis du peuple ».
Fort heureusement, enfin, l’idée que « voter donnent aux gens ordinaires quelque chose à dire à propos de la façon dont les choses fonctionnent » demeure populaire auprès de 67% des répondants. La preuve, probablement, que la démocratie a encore de beaux jours devant elle.
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