Que se serait-il passé, si Superman ne s’était pas écrasé dans la campagne américaine, mais plutôt dans les vastes steppes russes? Adapté d’une série de trois bandes dessinées publiées en 2003 chez DC Domics, Superman: Red Son débarque en format animé, dans un film d’environ 90 minutes qui explore certains aspects intéressants de la relation entre Superman et le pouvoir absolu qui faisaient potentiellement défaut dans d’autres aventures du héros venu de Krypton.
Le contexte est d’ailleurs particulier: nous sommes tout juste à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et la Guerre froide, cet affrontement idéologique entre l’Est et l’Ouest. Superman mettra rapidement ses superpouvoirs au service de Moscou, et deviendra le protégé de Staline. Toutefois, la découverte des goulags, y compris un endroit où a été expédiée l’une des amies d’enfance de Superman, pousse notre héros à assassiner le dictateur moustachu et à le remplacer, afin de créer un « monde parfait ». Une justification qui n’a jamais mené à aucune exagération, c’est bien connu.
Aux États-Unis, pendant ce temps, Lex Luthor, riche inventeur marié à la journaliste Lois Lane, tente de mieux comprendre les points forts (et surtout les points faibles) de cet être en apparence invincible. D’autant plus que Superman, à la tête des armées soviétiques et nord-coréennes combinées, écrase les forces américaines et sud-coréennes en quelques heures pour unifier la péninsule coréenne sous le joug communiste. Qu’y a-t-il de pire, d’ailleurs, entre un tyran qui sait qu’il ment à sa population, et un autre qui est convaincu que sa façon d’agir est la bonne?
Dans cet univers alternatif, l’URSS devient rapidement un « modèle » de progressisme et d’égalité – enfin, selon la vision de Superman –, tandis que les États-Unis s’enfoncent dans un marasme économique, sont secoués par de graves crises sociales, et s’appuient toujours plus sur leur puissance militaire pour tenter d’éviter la chute de la République. Les passionnés de science-fiction pourraient ici constater des équivalences avec l’excellente série Le printemps russe, de Norman Spinrad, qui met justement en scène une URSS florissante et une Amérique qui s’écroule lentement.
Dans le cas qui nous préoccupe, toutefois, le film est limité à une durée d’environ 1h30, et il faudra donc éventuellement conclure. Si le revirement scénaristique final et les scènes d’action qui en découleront feront certainement sourire, il est évident que la réflexion socio-politico-économique de Superman: Red Son n’est pas aboutie, d’autant plus que l’affrontement idéologique est justement réduit à sa portion congrue. Histoire de s’extirper d’un enlisement possible, peut-être?
Quoi qu’il en soit, Red Son est un divertissement intéressant qui tente brièvement de renverser les rôles et de nous présenter un Superman pur et noble, peut-être, mais dont les principes passent bien près de le pousser à sa perte. Dommage, simplement, que la réflexion que cela entraîne n’ait pas été poussée à son paroxysme.