« Tous les jours, des millions de gens voient leurs droits être bafoués »: la déclaration, tirée du communiqué accompagnant le plus récent rapport d’Amnistie internationale, est sans équivoque. Selon l’organisation internationale, la situation des droits de la personne dans les deux Amériques demeure particulièrement précaire. Et le Canada, englué dans une nouvelle crise liée à son traitement des Premières Nations, n’y échappe pas non plus.
Inégalités, corruption, violence, dégradation de l’environnement, impunité et affaiblissement des institutions: le Rapport annuel 2019 ne manque pas de termes pour placer les dirigeants des pays des Amériques devant leurs échecs. Cette incapacité de faire respecter les droits les plus élémentaires n’est toutefois pas garante de l’avenir, pour les gouvernements qui ont, volontairement ou non, permis ces violations, mentionne Amnistie, en rappelant les nombreuses manifestations qui ont ébranlé plusieurs pays d’Amérique Centrale et du Sud.
Sous couvert de dénonciation de hausses de prix en apparence minimes, ces mouvements de contestation se sont en fait appuyés sur un ras-le-bol devant des gouvernement accusés de corruption, d’autoritarisme, ou d’autres comportements antidémocratiques, qu’ils soient de gauche ou de droite. Sans oublier, bien entendu, le Venezuela, où la grogne contre le régime de Nicolas Maduro se poursuit, y compris avec des tournées politiques du président autoproclamé Juan Guaido.
Au dire d’Amnistie, « au moins 210 personnes sont mortes des suites de violences dans le contexte de manifestations et de contestations survenues en 2019 ». Environ le même nombre de gens ont perdu la vie en voulant défendre les droits de la personne au cours de cette période, précise le rapport 2019. Et cela, c’est sans compter les journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions, bien souvent en tentant de débusquer des malversations. Au Mexique seulement, un pays connu pour les dangers qui y règnent pour les médias, au moins 10 travailleurs de l’information ont été tués l’an dernier, indique Amnistie.
L’agence internationale précise par ailleurs que si les femmes ont gagné en visibilité et en droits, sur le chemin de l’égalité avec les hommes, la répression de tels mouvements s’est paradoxalement renforcée sur les deux continents. Qu’il s’agisse de femmes défenderesses des droits de la personne, de travailleuses du sexe, des femmes migrantes ou réfugiées, de femmes d’origine africaine ou autochtone, ou encore de femmes membres de minorités sexuelles, toutes sont plus à risque de subir de la discrimination ou d’autres formes de violences. En novembre dernier, une commission des Nations unies sur l’égalité des sexes en Amérique Latine et dans les Caraïbes mentionnait qu’au moins 3500 femmes avaient été tuées en 2018 en raison de leur genre. De fait, écrit-on, les véritables données sont sans doute beaucoup plus importantes, puisque 10 pays participants n’ont donné d’informations qu’à propos des femmes tués par leur partenaire ou ex-partenaire.
Misère des migrants
La violence contre les migrants préoccupe également grandement Amnistie, qu’il s’agit des conditions de vie et d’exercice des institutions démographiques dans les pays d’où sont originaires ces demandeurs d’asile, généralement en Amérique Centrale et du Sud, des violences subies lors de leur voyage vers le nord, ou encore à la frontière américaine, où les services frontaliers ont largement durci le ton sous l’ordre de l’administration Trump.
L’année 2019 fut d’ailleurs celle des images choquantes montrant des dizaines de migrants enfermés dans des cages, parfois sans accès à l’eau courante ou à des toilettes dignes de ce nom, à l’intérieur de centres de détention construit expressément pour ces demandeurs d’asile.
L’occupant de la Maison-Blanche et ses responsables sont ainsi pris à partie par Amnistie internationale, en raison de l’adoption, « de façon contraire aux obligations internationales des États-Unis », de positions visant à attaquer l’institution de l’asile en mettant en place des mesures et des politiques pour empêcher les demandeurs de franchir la frontière en provenance du Mexique.
Un Canada et ses Premières Nations
Et le Canada, là-dedans? Pendant que le système ferroviaire du pays est toujours en partie paralysé par des blocages mis en place par des représentants de diverses Premières Nations, Amnistie écrit, dans son rapport, que le projet de loi visant à reconnaître la déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones, qui confère entre autres divers droits en lien avec la consultation, par les différents gouvernements, avant l’approbation de certains projets, fait du sur-place depuis qu’une précédente tentative de faire adopter ledit projet de loi est morte au feuilleton, le Sénat ne l’ayant pas approuvé avant que les élections d’octobre dernier ne soient déclenchées.
Le rapport critique également Ottawa pour ne pas avoir agi davantage dans la foulée de la publication des conclusions de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, qui évoquaient entre autres un « génocide » contre ces représentantes du sexe féminin.
La loi 21 québécoise, qui interdit le port de signes religieux aux membres de certaines professions au sein de la fonction publique, fait aussi parler d’elle de façon négative dans l’enquête d’Amnistie, tout comme l’incapacité, pour Ottawa et les provinces, d’aller de l’avant avec un véritable plan de lutte contre l’urgence climatique.
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