Une économie menacée de toutes parts par la dure réalité géopolitique, voire même sanitaire, de l’année 2020: voilà le constat peu reluisant que présente le magazine The Economist dans son plus récent rapport sur l’état de l’économie mondiale. Selon la publication spécialisée, cinq menaces principales pèsent ainsi actuellement sur les structures et acteurs économiques. Et la plupart d’entre elles dépendent du bon vouloir d’un certain locataire de la Maison-Blanche.
« La croissance mondiale devrait atteindre 2,9% en 2020 », prévoit malgré tout The Economist, même si ce taux s’approche du taux plancher de la dernière décennie. La croissance économique devrait même ralentir dans les pays développés, en raison d’une « modération de la croissance économique américaine », plaident encore les spécialistes du magazine.
Dans les pays en développement, toutefois, la croissance sera tout de même au rendez-vous, y compris en Amérique Latine, au Moyen-Orient, ainsi qu’en Afrique sub-saharienne.
La cause de cette embellie économique? Des « politiques monétaires ultralibérales » de la part des principales banques centrales. Cette aide à la croissance pourrait toutefois être une arme à double tranchant, puisque un tel assouplissement monétaire « risque de déclencher de nouvelles crises d’endettement dans les marchés en émergence ». La volatilité sera au rendez-vous cette année, prédit The Economist.
Une guerre Iran–États-Unis toujours possible
Le ton avait largement monté après l’assassinat du général Qassem Soleimani, de la Force Quds iranienne, à la suite de son atterrissage à l’aéroport de Bagdad, en Irak, avec une riposte iranienne sous la forme d’une attaque aux missiles contre une base américaine. Si le calme semble être revenu, il est toujours envisageable que Washington et Téhéran en viennent ultimement à se déclarer la guerre cette année, écrit The Economist. Que ce soit en raison d’un geste d’agression direct entre les deux adversaires, ou via un effet domino liés aux alliés des deux puissances dans la région, un conflit porterait un dur coup à l’économie mondiale, notamment en entraînant une forte hausse des prix du pétrole. Le détroit d’Hormuz, par où ont transité 19 millions de barils par jour (soit environ 20% du trafic pétrolier mondial), en moyenne, en 2016, peut être rapidement fermé par la marine iranienne, ce qui nuirait largement aux économies dépendant du pétrole pour se transporter et fabriquer divers produits.
Si les États-Unis et la Russie seraient en mesure d’accroître leur production pour éviter une véritable pénurie, un blocage prolongé du détroit pourrait faire passer le prix du baril de pétrole à 90$ US, comparativement à un peu plus de 50$ pour l’instant. Cela mènerait à une hausse de l’inflation et au plongeon de l’optimisme des consommateurs et des entreprises. Sans compter, bien entendu, les conséquences matérielles, militaires et civiles d’une guerre conventionnelle au Moyen-Orient.
Qu’arrivera-t-il aux échanges commerciaux entre Washington et Bruxelles?
Les États-Unis et le Vieux Continent vont-ils sombrer dans une guerre commerciale? Comme le rappelle The Economist, les relations entre Washington et Bruxelles se portent mal depuis la mi-2018, lorsque le gouvernement américain a lancé une enquête sur l’importation de voitures européennes aux États-Unis, en plus de menacer d’imposer des tarifs de l’ordre de 25% sur ces mêmes importations.
Si Washington semble avoir reculé pour l’instant, les tensions sont toujours là, d’autant plus que la France envisage toujours de taxer les géants du web, toutes des compagnies américaines.
La conclusion d’une première entente commerciale temporaire entre les États-Unis et la Chine feront en sorte que l’Europe sera sous pression pour elle aussi accepter des concessions et faire preuve de bonne volonté envers Washington dans le cadre des négociations commerciales en cours.
« Si les États-Unis imposent des tarifs sur les voitures européennes, l’impact sur l’économie européenne, la deuxième plus importante du monde, serait important: l’industrie automobile représente environ 6% des emplois du continent, et au-delà des impacts financiers immédiats, la confiance des entreprises serait mise à mal », lit-on dans le rapport.
Ralentissement de la croissance mondiale et hausse de l’inflation sont à prévoir si les pires craintes se réalisent en Eur0pe.
Peut-on arrêter le coronavirus?
Signe de l’inquiétude croissante des marchés, les principaux indices boursiers américains cèdent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de points depuis quelques jours devant la progression en apparence inarrêtable du coronavirus, et ce malgré les méthodes de quarantaine draconiennes imposées en Chine.
En « fermant » la ville de Wuhan, une métropole de 11 millions d’habitants et une ville particulièrement importante au sein de la chaîne d’approvisionnement chinoise, le gouvernement de Pékin risque d’y perdre des plumes sur le plan économique. D’autant plus que d’autres grandes villes des régions avoisinantes, dont Shanghai et Pékin, la capitale, deux autres centres financiers importants, tournent elles aussi au ralenti.
« Nous évaluons à 20% les chances que le coronavirus ne soit pas contenu en Chine avant la moitié de l’année 2020, et 5% de chances que la maladie ne soit pas contenue avant les années suivantes », écrivent les experts de The Economist.
Si la maladie continue de faire des ravages, les entreprises pourraient décider de quitter la Chine et de déplacer leurs chaînes d’approvisionnement, alors que des pays seraient tentés d’imposer d’importantes sanctions sur les exportations chinoises. Dans la foulée, les tensions entre Washington et Pékin pourraient reprendre de plus belle, particulièrement si Pékin est incapable de respecter ses engagements en matière d’importation de produits américains, tel que convenu dans le premier accord temporaire entre les deux superpuissances.
Confronté à une série de mauvaises nouvelles économiques qui alimenteraient certainement la grogne populaire, Pékin pourrait tenter de faire taire les récalcitrants, tout en favorisant les injections d’argent dans l’économie nationale pour aider les entreprises en difficulté, accentuant d’autant les craintes concernant l’endettement chinois, mentionne le rapport.
Une cascade d’endettement
Si les pays émergents, aidés en cela par une politique monétaire favorable de la part des grandes banques centrales, tendent à trop s’endetter, il est toujours possible que ces économies moins solides s’avèrent incapables de rembourser leurs emprunts.
Dans les économies développées, le maintien des politiques de relance datant de la crise économique de 2008 ont parfois poussé les ménages et les compagnies à s’endetter également. Une hausse des taux d’intérêts serait particulièrement dommageable. À preuve, une telle hausse des taux américains et de la valeur du billet vert par rapport à d’autres devises ont provoqué de durs coups en Turquie et en Argentine, en plus d’entraîner d’importantes crises économiques et monétaires.
Ajoutez à cela une multiplication des gouvernements autoritaires dans les économies développées, favorables à des mesures d’austérité, et les marchés financiers ouverts aux pays en développement « pourraient se refermer plus tôt que prévu », craignent les experts de The Economist. La conséquence serait grave: une récession qui toucherait plusieurs régions du monde.
Hong Kong abandonnée par la finance
Les protestations contre le régime autoritaire de Pékin et ses officiels installés à Hong Kong a quelque peu disparu des médias depuis l’apparition du coronavirus, mais le magazine estime à 15% les risques que la poursuite de la contestation puisse mener à un exode des grandes firmes financières de ce qui est l’un des principaux centres économiques de l’Asie du Sud-Est.
« Il y a de bonnes chances que les manifestations reprennent cette année, si les droits civils actuels sont encore perçus comme étant menacés à long terme. Cela pourrait se produire autour des élections prévues au sein du Conseil législatif, le parlement hong-kongais, qui sont prévues pour le 20 septembre », écrit The Economist, surtout si la Chine tente de bloquer les nouveaux membres du camp des partisans d’un Hong Kong plus indépendant.
Dans le cas où Pékin, excédé par l’instabilité à Hong Kong, suspendrait les règles dites « d’un régime, deux systèmes », qui accordent une certaine indépendance à l’ancienne colonie britannique, les entreprises pourraient quitter les lieux, provoquant le départ des employés qualifiés. La pression politique pour imposer des sanctions en représailles contre la Chine nuiraient aussi à la reprise des pourparlers économiques entre Washington et Pékin,
Les milléniaux, aux prises avec des conditions moins favorables