La Deuxième Guerre mondiale a beau avoir débuté le 1er septembre 1939, lorsque l’Allemagne nazie a envahi la Pologne, cela faisait déjà plusieurs années qu’Hitler et ses sinistres sbires faisaient régner un climat de terreur à Berlin et ailleurs sur le territoire national. Through the Darkest of Times, développé par Paintbucket Games, fait vivre l’horreur de la banalisation de l’extrémisme politique et idéologique.
Nous sommes en 1933: Hitler vient de prendre le pouvoir. S’enclencheront alors les roues de l’infernale machine nazie, dont les partisans ne reculeront devant rien pour assurer leur maintien au pouvoir, pas même faire disparaître leurs ennemis – disparaître au sens propre, comme le rappelle trop bien l’Holocauste. Aux commandes d’un petit groupe de résistants, ou plutôt d’opposants aux nazis, le joueur devra tenter de tirer son épingle du jeu politico-stratégique, que ce soit en convaincant les Allemands de se dresser devant les SS, ou en allant jusqu’aux attentats pour contrer la machine de guerre à croix gammée.
Décliné principalement en teintes de noir et de blanc, avec quelques touches de couleur ici ou là – comme ces croix gammées, justement, dont le rouge est frappant, carrément vermeil –, le jeu se déroule principalement en deux phases: la planification de missions, et le déroulement de celles-ci. En fonction de tours de jeu qui s’étendent sur une semaine, plusieurs missions sont offertes au groupe de résistants. Chaque personnage recruté par le joueur ou ses propres troupes pourra mettre ses habiletés à profit pour atteindre des objectifs dont le niveau de risque varie en fonction de l’avancement du scénario, ou du nombre d’occasions où un même personnage a pu se faire repérer par la police, ou susciter des soupçons de ses pairs ou de passants.
Il faudra également tenir compte des forces et des faiblesses des personnages à notre disposition: pour discuter avec des partisans catholiques, il est ainsi mal avisé d’envoyer un athée. Idem pour un intellectuel qui tenterait de convaincre des ouvriers de rejoindre le mouvement.
C’est peut-être là, d’ailleurs, que le bât blesse. Avec environ une dizaine de caractéristiques pour chaque personnage, y compris des habiletés chiffrées, mais aussi des particularités immuables, on se bute rapidement au cadre que les développeurs semblent avoir voulu imposer au jeu. Est-il absolument impensable, par exemple, qu’un athée parle à un prêtre pour le tenter de le convaincre d’aider la résistance? Ou qu’un intellectuel soit en mesure de comprendre les doléances des travailleurs? On retrouve cette même rigidité du côté de la progression suggérée pour les missions. Vous souhaitez produire des tracts à distribuer? Il faudra aller chercher du papier sans se faire prendre, d’abord. Puis aller imprimer les tracts en question. Mais que se passe-t-il si vous ne pouvez produire que deux pamphlets, plutôt que les trois prévus? Il sera alors impossible de les distribuer, et il faudra trouver de l’argent pour acheter d’autre papier, réimprimer des tracts, etc.
La structure est rigide, soit. Mais l’exploit de Through the Darkest of Times, c’est plutôt de nous faire vivre l’angoisse, l’oppression, l’horreur du régime nazi. Non pas sous la forme de camps de concentration, ou encore d’invasions militaires, mais plutôt avec la Nuit des longs couteaux, l’incendie du Reichstage, la suspicion, l’espionnage, les dénonciations, le lavage des cerveaux… ou encore ces honnêtes citoyens qui sont réellement convaincus du bien-fondé du Parti national-socialiste d’Adolf Hitler. Certains journalistes ont d’ailleurs estimé que les développeurs ont établi des parallèles parfois peu subtils avec le président américain Donald Trump et ce qui pourrait être décrit comme une banalisation de la détestation de l’autre, qu’il s’agisse des juifs, des immigrants, ou encore des journalistes. Ceux-ci sont d’ailleurs régulièrement catégorisés comme étant « les ennemis du peuple ». Contrairement à l’Allemagne nazie, heureusement, les États-Unis disposent encore de certains contre-pouvoirs. Et la presse n’y est certainement pas muselée.
Pas question, dans Through the Darkest of Times, de nous faire vraiment espérer une fin heureuse. Il n’y aura pas de scène comme dans Inglourious Basterds, où les commandos mitraillent Hitler en plein visage. Ou de renversement de la machine nazie; non, les soldats aux chemises noires ou brunes sont bien là pour rester. Ce qui compte, c’est de survivre. Et peut-être, qui sait, permettre de faire comprendre aux autres pays du monde ce qui motive vraiment le régime d’Hitler, Goebels et tous les autres monstres.
Saluons, en tout dernier lieu, la qualité de la localisation française du jeu. Un excellent produit, bref, de la part des mêmes gens qui ont déjà développé le quelque peu similaire This is The Police, mais aussi l’excellent Little Big Workshop.
Through the Darkest of Times
Développeur: Paintbucket Games
Éditeur: HandyGames
Plateforme: Windows (Steam)
Jeu disponible en français