La Basse-Côte-Nord se meurt. Pas complètement, bien sûr, mais les petites communautés de pêcheurs, autrefois bien vivantes, sont aujourd’hui menacées par la surpêche, mais aussi par le départ des jeunes générations vers d’autres régions du Québec ou du monde, en quête de meilleures opportunités. Le touchant documentaire Temps et marées lève le voile sur l’existence de ces gens fiers, mais un peu au bout du rouleau.
Les paysages de Rivière-Saint-Paul sont magnifiques: des rochers escarpés, de l’eau à perte de vue, des vents qui balaient constamment quelques maisons qui résistent encore et toujours aux éléments. Mais la réalité est frappante: plusieurs de ces anciennes cabanes de pêcheurs sont à l’abandon, des barques finissent ici et là de pourrir lentement, et le nombre d’habitants de l’endroit diminue d’année en année. « Cette année, nous étions la classe la plus nombreuse de l’école », lancera une jeune femme, qui évoque un grand total de… sept élèves dans sa classe, pour un total d’environ 35 personnes qui suivent leurs cours à cet endroit.
Ailleurs, ce sont des gens dans la cinquantaine qui cherchent à trouver de nouveaux emplois, alors que l’industrie de la pêche poursuit son déclin. Faut-il s’exiler dans l’Ouest, comme l’on fait bien des adultes du coin? Ou dans le Nord? L’un des jeunes, Ethan, a vu son père partir en Alberta pour aller travailler et faire vivre sa famille; l’absence de figure paternelle continue de provoquer du ressentiment, chez lui. Est-ce pour cela qu’il s’est engagé dans l’armée?
Pas d’opportunités économiques sur place, pas vraiment de financement de la part du gouvernement du Québec, toujours pas de prolongement de la route 138, des liens plus étroits avec le Labrador qu’avec la culture et l’économie québécoises… Pour les habitants de Rivière-Saint-Paul, c’est l’exil ou la mort. Et ce dilemme en apparence insoluble, les réalisateurs Sébastien Rist et Aude Leroux-Lévesque l’ont très bien compris. Avec une caméra intime, mais sans jamais s’imposer, ils documentent la vie de cette communauté isolée, mais tissée serrée. Nous ne sommes pas, ici, à Harrington Harbour, le village côtier ayant servi de cadre au film La grande séduction, où l’arrivée d’un médecin permet de sauver l’endroit, mais les circonstances sont sensiblement les mêmes. Cette fois, cependant, rien n’est arrangé avec le gars des vues.
Temps et marées soulève une question essentielle: il est par définition impossible de sauver toutes les villes, tous les villages, toutes les communautés menacées par les transformations économiques et l’évolution des perspectives d’emploi. Impossible, également, de transformer tous ces petits endroits en destinations touristiques. Que faut-il sacrifier, alors? Combien de villages devra-t-on fermer? Faut-il évacuer les habitants de force?
Toutes ces questions, le documentaire les pose en filigrane, mais sans jamais vraiment y répondre. On sent toutefois, à voir le regard résigné des habitants du coin, que la fin approche. « Nous reviendrons », affirment bon nombre de jeunes diplômés du secondaire, qui partent pour l’instant poursuivre leurs études loin de la maison. Mais il n’est pas vraiment question de revenir à Rivière-Saint-Paul pour y pêcher le crabe, ou pour y attendre de l’aide gouvernementale. Que reste-t-il, alors?
Deux projections ont été ajoutées au Cinéma du Musée: vendredi le 14 février à 17h25, et samedi le 15 février à 18h.