L’industrie du pétrole veut refaire son image en tant que championne de la lutte pour le climat. Cela semble contre-intuitif, voire un tantinet ambitieux, et pourtant, le plus gros groupe de pression du secteur pétrolier, l’American Petroleum Institute (API) vient de lancer une campagne de publicité qui pourrait lui coûter des millions de dollars, dans le but de faire la promotion des efforts de l’industrie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Le titre de la campagne, Energy for Progress, peut même être vu comme un effort avoué de se détacher de sa clientèle habituelle, le mot « progrès » étant, aux États-Unis, une étiquette fréquemment collée aux organisations de gauche. Interrogé par la journaliste Emily Atkin, le porte-parole de l’API ne s’en cache pas: « Nous avons choisi Energy for Progress parce que (notre campagne) veut faire du progrès sur les solutions climatiques. »
Certes, leur « solution » diffère de celle que choisirait un groupe écologiste pour sa propre campagne: « Grâce au gaz naturel, les États-Unis sont le chef de file dans la réduction d’émissions. » Mais il n’en demeure pas moins que le simple fait d’utiliser des arguments pro-environnement et pro-climat est du jamais vu pour ce groupe de pression, note le sociologue Robert Brulle, auteur d’une analyse de quelques décennies de leurs publicités.
Ça ne signifie toutefois pas que leurs arguments sont factuellement exacts: le site Desmog (qui se spécialise dans la dénonciation de la « pollution des relations publiques » dans le dossier climatique) avait remarqué lui aussi cette campagne l’automne dernier et avait dénoncé l’affirmation voulant que le gaz naturel soit responsable d’une réduction de 60% des émissions. Ce dont ils parlent, c’est en réalité d’une réduction de 60% du taux d’émissions, et non du total des émissions; en termes clairs, dans les champs d’exploitation les plus actifs, les émissions augmentent moins vite qu’avant, mais elles augmentent tout de même.
Mais la volonté de changer leur image est bien réelle, confirme l’historien Geoffery Supran, de l’Université Harvard. « Ils sont derrière nous, les jours où l’industrie des carburants fossiles pouvait s’en tirer avec des campagnes négatives anti-science et anti-politique ». Ils sentent qu’ils ne peuvent plus se contenter d’un déni des changements climatiques, et doivent proposer quelque chose de constructif, tout en l’arrimant à leur volonté de continuer à extraire le plus possible de pétrole et de gaz du sol.