Les salles de nouvelles du pays ne représentent pas correctement la diversité canadienne: voilà le constat mis de l’avant mardi par l’Association canadienne des journalistes noirs (CABJ) et le regroupement Canadian Journalists of Colour (CJOC), dans une lettre où ils appellent à agir rapidement pour corriger ce problème de représentation.
« Nous reconnaissons que les médias ont posé des gestes pour s’attaquer à ce problème, mais des inégalités raciales importantes demeurent. L’industrie doit repenser son approche en s’attaquant au problème de façon efficace et systémique », écrivent les auteurs de la lettre ouverte.
Selon eux, il est devenu « impossible » de passer sous silence ce problème de sous-représentation dans les salles de nouvelles à travers le pays. À preuve, disent-ils, l’exemple des excuses présentées en septembre dernier par le rédacteur en chef du Vancouver Sun, Harold Munro, après la publication d’un texte à saveur éditoriale où l’on affirmait que la diversité ethnique était nuisible.
La lettre mentionne également les critiques émises à l’endroit des grands médias dans la foulée du scandale du blackface et du brownface du premier ministre Justin Trudeau, en pleine campagne électorale. La CBC avait à l’époque diffusé un segment radio où plusieurs personnalités avaient justement estimé que cette affaire avait mis de l’avant le manque de diversité dans les salles de nouvelles, ainsi que dans les équipes chargées de suivre le leader libéral en campagne. Lors de cette entrevue, Manisha Krishnan, journaliste chez Vice, a déploré le fait que les questions des journalistes sur place avaient davantage porté sur l’impact politique du scandale, plutôt que sur le côté raciste de cette pratique.
Toujours selon la CABJ et les CJOC, le diffuseur public, qui a indiqué dans un rapport de 2018 compter un peu moins de 15% d’employés racisés et autochtones, pourrait en faire davantage pour favoriser la diversité au sein de son personnel, alors que « plus de 20% de la population canadienne est composée de gens issus de minorités ». À noter que Radio-Canada/CBC, dans son plan 2018-2021 en matière de diversité et inclusion, « aspire à être le média le plus représentatif de l’éventail unique des points de vue des Canadiens ».
La société d’État affirme avoir « accompli des progrès considérables ces dernières années », et que ses effectifs « sont maintenant composés de Canadiens de tous horizons afin de continuer d’être à l’image de la démographie changeante de notre pays ».
Un tableau mis à jour en avril 2019 fait état d’une proportion d’employés issus de minorités visibles variant entre 4,1 et 22,7%, en fonction des types de poste. On compte également de 6,3 à 9,9% de travailleurs appartenant à la communauté LGBTQ2+, et de 0 à 4% d’employés autochtones (ces catégories peuvent se recouper).
Plan d’action
Pour les auteurs de la lettre, un plan d’action en sept points est nécessaire pour améliorer la représentativité des minorités ethniques et sexuelles au sein des médias canadiens. On propose entre autres de publier, à intervalles réguliers, des données sur la composition des salles de nouvelles d’ici, à l’image des démarches déjà entreprises par l’American Society of News Editors depuis 1978, par exemple. Un coup de sonde devrait être effectué à tous les deux ans, suggère-t-on.
On avance également l’idée de multiplier les embauches de personnes racisées ou appartenant à la diversité, de promouvoir davantage de membres de ces communautés à des postes de gestion, de consulter régulièrement les communautés racisées à propos de la couverture médiatique des organisations, ainsi que de créer des opportunités de mentorat visant à inspirer les journalistes issus de la diversité.
Enfin, il est nécessaire de commencer à favoriser la diversité dès l’arrivée dans l’industrie, plaident les auteurs de la lettre ouverte, c’est-à-dire de maximiser le recrutement des futurs journalistes racisés, autochtones ou membres de la communauté LGBTQ2+ au sein des écoles de journalisme. L’enseignement des réalités des peuples autochtones est également suggéré.