Sherlock Holmes a toujours fasciné par sa capacité à élucider des mystères, mais pour la première fois en plus de 130 ans d’existence, il est maintenant possible de voir les rouages mentaux du célèbre limier à l’œuvre, grâce à la bande dessinée Dans la tête de Sherlock Holmes.
Dans la nuit du 7 novembre 1890, à 3h12 du matin précisément, la police arrête un individu hagard courant sur Wentworth Street dans le East End de Londres. Vêtu seulement d’une chemise de nuit et recouvert d’une mystérieuse poudre blanche, l’homme, un certain docteur Herbert Fowler, s’est rendu plus tôt dans la soirée au spectacle du magicien Wu-Jing, mais il est incapable de se remémorer la suite des événements. Comme il s’agit d’un collègue du docteur Watson, les forces de l’ordre l’emmènent au 221B Baker Street où, terrassé par un ennui mortel, Sherlock Holmes saute sur l’occasion de prendre en charge cette affaire, qui le mènera sur la piste d’une mystérieuse série d’enlèvements, visant principalement… les blonds!
L’affaire du ticket scandaleux, premier volume de la série Dans la tête de Sherlock Holmes, n’est pas la version illustrée d’un roman de Sir Arthur Conan Doyle, mais bien une enquête inédite, où le scénariste Cyril Liéron continue l’œuvre du père du roman policier moderne en lançant son célèbre détective sur les traces d’un tout nouveau mystère. Tournant autour d’une série de disparitions dans le Londres de la fin du 19e siècle, d’une société secrète orientale et d’un énigmatique magicien, le récit rend également hommage à Peter Cushing, qui a joué le rôle à maintes reprises au petit comme au grand écran, et le limier est dessiné ici avec les traits de l’acteur. Puisqu’il s’agit du premier de deux tomes, la conclusion reste en suspens, mais c’est bien là le seul défaut qu’on puisse trouver à cette bande dessinée exceptionnelle.
Depuis sa création en 1887, ce qui fascine le plus chez Sherlock Holmes, c’est son incroyable sens de l’observation et de la déduction qui lui permettent, à partir de maigres indices glanés ici et là, de reconstituer les crimes les plus obscurs et les plus sordides. S’il n’est pas évident de retracer le fil de la pensée dans le cadre d’un film ou d’une série télé, la bande dessinée, mieux que tout autre médium, nous laisse pénétrer la psyché du héros, et en nous transportant à l’intérieur de ce cerveau que le détective surnomme « la mansarde », où son savoir encyclopédique est classé par catégories comme dans une bibliothèque, l’album Dans la tête de Sherlock Holmes dévoile l’architecture mentale du personnage comme jamais auparavant.
De la couverture, où une ouverture reprenant la silhouette de Holmes est découpée dans le carton, laissant voir un dessin où le détective fouille les rayons de sa « mansarde », en passant par ses pages faussement vieillies et jaunies, les amoureux de beaux livres seront choyés avec Dans la tête de Sherlock Holmes. Benoit Dahan dessine des personnages aux traits exagérés, évoquant ceux du jeu Dishonored, et ses illustrations, fortement influencées par l’esthétique victorienne, sont d’une telle richesse et d’une telle beauté qu’il semble presque criminel de ne pas s’attarder quelques minutes sur chacune pour en apprécier les détails. Un fil rouge reliant les indices parcourt l’ensemble de l’album, et évitant les cases de formes carrées ou rectangulaires, les compositions graphiques sont époustouflantes d’inventivité.
Tout en restant très fidèles à l’univers de Sir Arthur Conan Doyle, Cyril Liéron et Benoit Dahan parviennent à jeter un regard inédit sur le célèbre détective avec Dans la tête de Sherlock Holmes, une bande dessinée exquise dont le second tome ne sortira jamais assez tôt.
Dans la tête de Sherlock Holmes, Tome 1: L’affaire du ticket scandaleux, de Cyril Liéron et Benoit Dahan (d’après Sir Arthur Conan Doyle). Publié aux Éditions Ankama, 48 pages.
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