Après avoir peuplé des dizaines et des dizaines d’albums de ses célèbres personnages, c’est maintenant au tour de René Goscinny d’être le héros d’une bande dessinée avec Le roman des Goscinny, une biographie en images signée Catel.
Le Petit Nicolas. Oumpah-Pah. Lucky Luke. Iznogoud. Astérix et Obélix. Peu de scénaristes peuvent se vanter d’être derrière un si grand nombre de personnages inoubliables et de séries à succès de la BD franco-belge comme René Goscinny qui, avec plus de 500 millions d’ouvrages vendus, est l’un des auteurs français les plus lus, et les plus traduits, de la planète. Utiliser le médium auquel il a consacré sa vie entière pour raconter son parcours était un choix on ne peut plus approprié, et c’est ce que propose Catel avec la bande dessinée biographique Le roman des Goscinny.
En plus de recueillir les anecdotes de sa fille Anne, Catel a eu un accès privilégié aux archives de la famille pour rédiger Le roman des Goscinny, et au lieu d’imposer sa narration et de s’interposer entre le lecteur et son sujet, elle puise plutôt dans les entretiens donnés par René Goscinny entre 1959 et 1977 afin de le laisser s’exprimer de sa propre voix. Les bulles se remplissent donc des mots de l’auteur lui-même (« Quand j’ai entendu dire que le métier de scénariste est à la portée du premier imbécile venu, j’ai compris que j’avais trouvé ma voie »), ce qui donne un ton de confidence fort intéressant à cette biographie.
Évidemment, Le roman des Goscinny revient sur les grands moments de la vie d’un homme obsédé par l’envie de faire rire. Sa naissance à Paris, son éducation au Collège français de Buenos Aires, ses séjours en sol américain, son retour en Europe après la Deuxième Guerre mondiale, ses débuts dans le métier, les rencontres déterminantes ou la fondation du magazine Pilote, mais la biographie révèle aussi des détails moins connus, comme sa passion pour Laurel et Hardy, qui influencera manifestement la création d’Astérix et d’Obélix et explique en partie sa prédilection pour l’humour de tandem, alors qu’il multipliera toute sa vie les collaborations avec Morris, Uderzo, Tabary ou Sempé.
Le roman des Goscinny permet aussi de suivre l’évolution de la bande dessinée dans l’Europe du 20ème siècle. Quand Goscinny décide de se lancer dans ce métier au début des années 1950, non seulement la BD est considérée comme de la sous-littérature, mais il faut aussi composer avec la Commission de surveillance des publications destinées aux jeunes, et la loi française stipulant que les albums « ne doivent pas présenter favorablement le banditisme, le vol, la paresse, la lâcheté, la débauche, et tous les actes qualifiés de crimes ou de nature à démoraliser l’enfance », une contrainte qui forcera le scénariste à développer son style d’écriture caractéristique, qui comporte plusieurs niveaux de lecture.
Avec ses personnages naïfs (mais très ressemblants), les dessins de Catel peuvent paraître simples de prime abord, mais chaque case regorge de détails qui méritent qu’on s’y attarde. En plus de créer un très beau style visuel, la coloration, qui n’utilise qu’une teinte à la fois, crée surtout des zones d’ombres, et apporte du relief aux illustrations en noir et blanc. Le roman des Goscinny inclut plusieurs documents d’archives, comme des couvertures d’albums pour enfants qu’il a signées, des ébauches de scénario, des planches mettant en vedette Dick Dick’s, son premier héros de bande dessinée, et surtout, des extraits des carnets de croquis de Goscinny, qui révèlent les talents de dessinateur d’un homme principalement connu comme scénariste.
Difficile de trouver une meilleure façon de raconter la vie de René Goscinny qu’à travers une BD biographique, et à l’approche des fêtes, Le roman des Goscinny constitue un cadeau idéal à mettre entre les mains de tous les amateurs de bandes dessinées franco-belges.
Le roman des Goscinny, naissance d’un Gaulois de Catel. Publié aux Éditions Grassset, 344 pages.
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