Le Festival international Fantasia prenait son erre d’aller, jeudi soir, avec la présentation du plus récent film de Daniel Grou – alias Podz -, King Dave. Transposition cinématographique d’une pièce de théâtre écrite et interprétée par l’acteur Alexandre Goyette, qui reprend son rôle sous les caméras.
Dave, ce « roi de la rue », ce petit caïd, est un homme nerveux, sanguin, toujours prêt à en découdre pour un oui ou pour un non. Brutalisé et intimidé dans sa jeunesse, David a pris des forces et refuse de se laisser marcher sur les pieds. Cette bravade est hélas ce qui précipite aussi sa perte.
Car en choisissant de se battre, en décidant de défendre son intégrité plutôt que de tenter de prendre ses distances face à un univers qui lui est extrêmement nocif, voire toxique, Dave est condamné à la médiocrité, et surtout à la violence. Sans véritable éducation, sans perspectives de carrière, l’homme-adolescent vivote dans un appartement miteux, semble engloutir son salaire dans la bière et la drogue, et s’habille comme s’il avait encore 16 ans.
King Dave, c’est son piédestal qui est déboulonné, la fissure de trop dans un édifice déjà fragile. Poussé au crime, le jeune homme se laissera emporter dans une spirale de violence qui culminera avec son arrestation et sa décision de prendre le « bon chemin ». Mais la volonté d’un homme peut-elle supplanter ses plus bas instincts?
Le clou du film est bien entendu son gigantesque plan-séquence, le long-métrage étant pratiquement entièrement tourné en une seule prise. Podz avait déjà tenté le coup dans la télésérie 19-2, avec l’époustouflant épisode de l’attaque à main armée dans une école secondaire, mais cette fois-ci, on parle plutôt de 90 minutes au compteur.
L’idée d’un plan-séquence d’une telle longueur est d’ailleurs l’un des principaux arguments utilisés pour « vendre » le film aux spectateurs. Mais ce faisant, Podz fait passer la forme avant le fond: la prouesse technique est certainement intéressante, mais la multiplication des décors implique nécessairement des coupures subtiles, histoire de transporter notre protagoniste à un nouvel endroit. Le réalisateur minimise ces transitions, entre autres en déplaçant, à un certain moment, une cabine téléphonique sur la plate-forme d’un camion, mais il ne fait aucun doute que des manipulations ont eu lieu. L’autre hypothèse étant que l’équipe de tournage a créé de toutes pièces un gigantesque décor, ce qui mettrait le film hors de portée de la plupart des bourses.
Côté scénario, on nage dans une certaine confusion: Dave vole des autoradios, se bat avec un homme flirtant avec sa copine dans un club, tente de retrouver l’individu en question pour ensuite se faire de nouveau passer à tabac, met le feu à un parc, flirte avec une amie, tente d’acheter une arme à feu… le tout presque entièrement raconté sous la forme d’un monologue adressé directement à la caméra. On nage parfois dans une certaine confusion, et le débit rapide et la prononciation quelque peu difficile du personnage de Goyette font perdre une partie du dialogue.
Au final, King Dave est un exercice de style intéressant, mais un film pas franchement mémorable. Un film « pour Fantasia », peut-être. Conçu pour un public spécifique, mais n’exerçant qu’un faible attrait en-dehors de l’univers du festival.