Le climategate, ce faux scandale survenu il y a 10 ans cette semaine, n’a certainement pas affaibli la science du climat. Mais il a peut-être suffisamment détourné l’attention à l’époque pour avoir un impact politique.
Le 19 novembre 2009, un peu plus d’un millier de courriels étalés sur 13 ans, provenant d’échanges entre des climatologues de deux importants centres de recherche, un britannique et un américain, étaient dévoilés par un pirate informatique. Les mouvements climatosceptiques ont immédiatement prétendu que ces courriels révélaient l’existence d’un « complot » pour « dissimuler la vérité », une affirmation qu’ils appuyaient sur trois extraits sortis de leur contexte —et dont la véritable signification s’avèrerait rapidement n’avoir rien à voir avec un complot. Dans les deux années qui suivirent, pas moins de neuf enquêtes sur deux continents furent lancées, par les universités des chercheurs concernés, par des organismes subventionnaires et, dans deux cas, par des élus, ceux d’un comité du parlement britannique et ceux d’un comité du Congrès américain. Dans les neuf cas, les enquêtes conclurent à un « faux scandale » et à l’absence de faits pour incriminer qui que ce soit de quelque malversation que ce soit.
Mais sur le coup, ces courriels eurent un impact sur l’opinion publique, sur la couverture des négociations du climat dans certains médias — en particulier les médias campés les plus à droite — et sur les décideurs politiques. On était alors à moins d’un mois de la conférence annuelle des Nations Unies sur le climat qui, tenue à Copenhague, était censé accoucher — ou non — d’une entente pour un traité devant succéder au Protocole de Kyoto. La conférence est, depuis, souvent pointée du doigt comme ayant été un échec, et l’influence qu’a eu ce faux scandale continue d’être débattue 10 ans plus tard: pour les uns, la conférence était de toutes façons vouée à l’échec, les vents (qui semblaient favorables à une entente sur le climat au milieu des années 2000) ayant tourné dans la mauvaise direction. Pour les autres, le climategate a donné juste assez de carburant aux opposants pour se faire entendre sur la place publique pendant ces quelques semaines cruciales. Selon le Britannique Bob Ward, directeur des politiques à l’Institut Grantham de recherche sur le climat et l’environnement, interrogé cette semaine par The Guardian:
« Les politiciens de droite, alliés aux compagnies du secteur des carburants fossiles, ont utilisé leur influence pour répandre de fausses informations sur ces courriels et pour se battre contre des politiques de réduction des fossiles… Je suis sûr qu’ils feraient encore la même chose aujourd’hui. »
Ce fut par contre, pour plusieurs, une leçon de vulgarisation 101: les climatologues, leur ont reproché des professionnels de la communication dans les mois qui ont suivi, ont été trop nombreux à regarder de haut cette histoire, à nier qu’elle puisse avoir un impact, à rejeter l’idée qu’ils puissent manquer de transparence dans leurs communications auprès du public, et donc à ne pas voir la nécessité de répondre.
Et le fait est que, 10 ans plus tard, ni les neuf enquêtes ni le déboulonnage des citations sorties de leur contexte n’empêchent des climatosceptiques de continuer de proclamer que le Britannique Phil Jones ou l’Américain Michael Mann étaient des fraudeurs. En l’absence de preuve, ils ne peuvent en parler qu’entre eux, tandis que les preuves d’un climat en train de changer continuent de s’accumuler, mais ils contribuent peut-être, à leur façon, à détourner une partie de l’attention.