Sous l’appellation Wexit, les Québécois profiteurs d’une redistribution injuste des richesses à l’échelle canadienne se sont métamorphosés en modèle collectif pour atteindre l’indépendance. L’Alberta et la Saskatchewan, désignées comme l’Ouest, ont-elles ce qu’il faut pour y arriver?
À l’été 2016, au moment où les feux de forêt dévastaient le paysage albertain, une scène extraordinaire est survenue le 5 mai à la Chambre des communes. La chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose, est devenue émotive au point de retenir ses larmes, alors que le premier ministre libéral Justin Trudeau a traversé du côté adverse pour lui faire un câlin afin de la consoler. Cette fusion de détresse et d’empathie outrepassait son caractère insolite en incarnant un symbole transcendant intrinsèquement lié à l’histoire du pays.
Depuis 1867, sans interruption, on se trouve devant le pouvoir des libéraux ou des conservateurs, explique le journaliste Jean-François Nadeau dans Le Devoir du 21 octobre. À travers ces guerres de clans persiste tout de même longtemps une certaine distinction entre les intérêts des uns et des autres. Mais ces distinctions n’ont cessé de s’amenuiser à mesure que l’État n’apparaît plus nécessaire au triomphe des affaires aujourd’hui mondialisées. Autrement dit, tel un western, le parti conservateur joue le rôle du mauvais cowboy depuis la naissance du Canada.
Avant l’élection de Stephen Harper le 6 février 2006, il existait déjà quelques groupes faisant la promotion de l’indépendance de l’ensemble (ou d’une partie) de l’Ouest canadien. Cependant, le premier ministre conservateur n’a pas renoncé à gouverner l’ensemble du pays pour autant, à travers un parti fondamentalement pancanadien. Aujourd’hui, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, reprend la formule souverainiste en faisant appel à l’ex-chef du Parti réformiste Preston Manning.
«Je pense qu’il y a de la jalousie envers ce qui se passe au Québec. On voit les pouvoirs que le Québec a obtenus au fil du temps et on se dit: « Nous aussi, on devrait avoir la même chose. » Sauf qu’on ne tient pas compte du fait que le Québec a une langue et une culture distinctes. On revient à la logique: « Chaque province devrait être égale. », a confié le politologue à l’Université Mount Royal, Duane Bratt à Radio-Canada le 14 novembre.
Pourquoi ne pas reprendre la péréquation pour comparer les provinces sous le même dénominateur?
Services publics versus impôts les plus bas
La péréquation permet aux provinces bénéficiaires d’offrir le même niveau de services publics que la moyenne canadienne en taxant le revenu de leurs résidents à 16%, mais elle ne les oblige pas à adopter ce taux moyen canadien de taxation, explique l’économiste Pierre Fortin dans L’actualité du 18 décembre 2018. L’Alberta pourrait, si elle le voulait, taxer le revenu de ses habitants à ce taux de 16%, mais elle a plutôt choisi de le taxer au taux réduit de 11%.
Ce n’est pas la péréquation qui permet au Québec de s’offrir plus de services publics que les autres provinces, spécifie l’économiste Pierre Fortin. En taxant à 21% le revenu par habitant de 50 000 dollars de ses résidents, l’État québécois récolte dans les faits 10 500 $ par habitant, auxquels s’ajoutent les 1600 $ qu’il obtient en péréquation. Au total, il dispose donc de 12 100 $ pour ses services publics, plus qu’ailleurs au Canada.
Si les Québécois disposent de plusieurs services publics, dont les CPE louangés par les experts à travers le monde, les cégeps qui favorisent la scolarisation postsecondaire et Télé-Québec, le plus grand réseau de télévision éducative et culturelle au Canada, note l’économiste, les Albertains ont une grande dépendance à la production et à l’exportation de pétrole brut, à la forte instabilité du prix mondial de cette ressource et au taux de change peu favorable du dollar canadien.
À la différence de mentalités entre les deux provinces s’ensuivent deux modes de gestion différents de l’économie.
Canada, moins deux
Tenant compte des résultats aux dernières élections fédérales, le fait qu’aucun candidat du Parti libéral du Canada n’ait été élu en Alberta et en Saskatchewan rend leur indépendance avantageuse pour le gouvernement au pouvoir, puisqu’il obtiendrait la majorité sans les députés de ces provinces.
L’entêtement de l’Ouest pourrait être un gage de succès. L’économiste Pierre Fortin suggère ainsi aux deux provinces d’adopter le modèle pétroéconomique de la Norvège.
Le Heritage Fund que l’Alberta a établi il y a déjà 40 ans a été un pas dans cette direction, note-t-il dans son article du 18 décembre 2018, mais son actif actuel de 13 milliards de dollars américains est microscopique en comparaison des 1100 milliards accumulés par le Fonds souverain de la Norvège, pays dont la production d’hydrocarbures est bien inférieure à celle de l’Alberta.
Élections fédérales 2019 – 27 millions de Canadiens aux urnes