Évoquant le surendettement et le creusement du déficit budgétaire de l’Équateur, le président Lenín Moreno a adopté un décret provoquant une augmentation subite du prix des carburants et d’importantes manifestations. L’ex-président et économiste Rafael Correa analyse la situation dans le Monde diplomatique de novembre.
En échange d’un versement de 4,2 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI) et d’un second versement de 6 milliards de dollars en provenance d’autres institutions, le président équatorien Lenín Moreno a adopté le 2 octobre 2019 le décret 883 qui libéralise le prix des carburants. La mesure déclenche une explosion sociale: manifestations monstres, état d’urgence déclarée et autorisation accordée aux forces armées pour réprimer les mobilisations. Le 12 octobre, le président Moreno impose à la capitale Quito un couvre-feu, du jamais vu depuis la dictature militaire des années 1970.
Pour justifier l’accord avec le FMI, le gouvernement Moreno a suggéré que le pays était en crise à cause du surendettement et des déficits budgétaires hérités de la précédente administration. Son prédécesseur Rafael Correa démontre dans le Monde diplomatique que les chiffres ont été manipulés. On explique que la dette publique atteignait 60 milliards de dollars lors de la passation des pouvoirs, alors que selon les documents officiels du ministère des Finances la dette est de 43,54 milliards de dollars en juin 2017, soit 41,7% du produit intérieur brut (PIB). L’économie a entamé sa reprise à partir du quatrième trimestre de 2016.
Le président Moreno n’a ni hérité d’un surendettement ni de déficits budgétaires, seule sa façon de gouverner l’a placé dans cette situation. Il a réduit ou éliminé les tarifs douaniers appliqués à 372 types de produits, perdant environ 400 millions des recettes publiques et gonflant le montant des importations non indispensables d’environ 800 millions de dollars. De plus, le gouvernement s’est privé de deux sources de financement internes: l’Institut équatorien de sécurité sociale et la Banque centrale, deux entités publiques.
Alors que la gauche sud-américaine a pris du plomb dans l’aile, avec la démission du président bolivien Evo Morales le 10 novembre et la crise au Venezuela, il est impossible de nier la stabilité politique et économique que le gouvernement de Rafael Correa a apportée à l’Équateur. Entre 1996 et 2006, aucun gouvernement n’est parvenu à terminer son mandat. Alors que de 2007 à 2017, Rafael Correa a été élu à trois reprises, faisant valoir son projet de «révolution citoyenne» auprès de l’électorat.
Lenín Moreno a repris le flambeau, mais arrivé au pouvoir, il a effectué un virage néolibéral. Le décret 883 est l’étincelle qui embrase une plaine asséchée depuis des mois, évoque l’ex-président. Contraint à négocier avec la Confédération des nationalités indigènes d’Équateur (Conaie), à la source des manifestations, le président de droite a abrogé le décret 883 le 13 octobre. Selon les chiffres officiels, il y a eu 8 morts, 1340 blessés et 1 200 arrestations pendant cette période.
Sous la présidence Moreno, Quito s’est aligné sur le groupe de Lima pour soutenir une tentative de renversement du président Maduro au Venezuela, a livré le cyberpirate Julian Assange à la police britannique et autorisé l’ouverture d’une base militaire américaine dans les Galapagos.
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