Les Éditions Paquet font un travail remarquable pour garder vivant le riche héritage de la romancière Agatha Christie, et après Mort sur le Nil et Le Crime de l’Orient-Express, c’est au tour de Rendez-vous avec la mort d’avoir droit à une adaptation en bande dessinée.
L’arrivée des Boyton, une riche famille américaine en vacances, crée une commotion à l’Hôtel du Roi Salomon à Jérusalem. Bien que majeurs et vaccinés, Carol et Raymond Boynton sont en effet soumis au contrôle constant de leur belle-mère, une ancienne gardienne de prison, et ne peuvent rien faire sans sa permission, ce qui choque les clients de l’établissement. Débarquant à Pétra pour visiter les ruines de la cité antique, les Boynton s’apprêtent à partir en excursion avec un groupe de touristes lorsque la marâtre, indisposée par la chaleur, décide de rester au camp, bien assise à l’ombre. Au retour, elle est découverte sans vie sur sa chaise. Tout sembler indiquer une mort naturelle, mais une mystérieuse piqure à son poignet force les autorités à demander l’aide d’Hercule Poirot afin de tirer l’affaire au clair. Le détective belge devra mettre les bouchées doubles pour découvrir le coupable parmi ces gens, dont la plupart se réjouissent du décès de la tyrannique femme.
On pourrait penser qu’un roman policier publié en 1938 trouverait peu d’écho aujourd’hui, alors que la culture populaire est beaucoup plus sombre et cynique qu’il y a 80 ans, mais Agatha Christie était étonnamment avant-gardiste. Tout d’abord, comme c’est souvent le cas dans les œuvres de cette féministe avant la lettre, Rendez-vous avec la mort met de l’avant des femmes fortes faisant fi des conventions sociales et s’accomplissant malgré le sexisme ambiant. Bien qu’on se trouve en présence d’un « whodunit » classique, comprenant une révélation de salon où Poirot, devant la foule de suspects assemblés, explique le cheminement lui ayant permis de trouver l’identité du coupable, cette intrigue s’inscrit dans une zone morale grise convenant tout-à-fait à notre époque, alors que les policiers tentent de rendre justice non pas à une victime innocente, mais une mégère détestée de tous.
S’inscrivant dans la tradition de la ligne claire, les illustrations de Rendez-vous avec la mort sont simples et épurées. Plutôt que de tracer toutes les briques d’un mur par exemple, Marek Charlier esquisse quelques lignes ici et là pour en suggérer la texture. Tout en donnant une grande lisibilité à ses dessins, cette approche atténue la profondeur des images, une impression renforcée par une coloration composée de couleurs pleines faisant peu appel aux dégradés. Malgré cette apparente simplicité, le style visuel est attrayant et les personnages vivants, de sa madame Boynton affublée d’une face de bouledogue cramoisie en passant par son Poirot rondelet se lissant constamment les moustaches. L’artiste insère des paysages de Jérusalem ou d’Amman, et reproduit les bâtiments taillés dans la roche de la cité de Petra, dont la fameuse Khazneh, pour agrémenter cette intrigue plutôt verbeuse.
La lecture de Rendez-vous avec la mort offre une belle façon de renouer avec l’œuvre d’Agatha Christie, une écrivaine qui a inventé la plupart des codes du roman policier moderne, et qui mérite amplement son surnom de « Reine du crime ».
Hercule Poirot – Rendez-vous avec la mort, de Didier Quella-Guyot et Marek (d’après le roman d’Agatha Christie). Publié aux Éditions Paquet, 64 pages.
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