L’un des Nobel de médecine de cette année portait en 2017 un jugement sévère sur l’évolution des publications dans son propre domaine, qui conduit, disait-il, à faire paraître de plus en plus d’études qui contiennent beaucoup d’interprétations mais peu de preuves. Dans un texte d’opinion paru dans la revue Nature, il donnait même en exemple certains de ses propres travaux.
Certains de ces articles « seraient aujourd’hui critiqués pour avoir failli à inclure un mécanisme clair et des expériences sur des animaux… Un autre [article] —montrant que la cible principale de la protéine a subi une modification dans sa dépendance à l’oxygène— a presque été rejeté parce que nous n’avions pas identifié l’enzyme responsable », écrivait en mai 2017 William G. Kaelin, professeur de médecine à l’Institut Dana-Farber sur le cancer de Boston.
La pression des organismes subventionnaires, qui veulent de l’impact, et les percées technologiques, qui permettent de générer quantité de données plus facilement qu’avant, sont deux facteurs qui, poursuit-il, permettent une publication plus rapide des résultats, ce qui, contrairement aux apparences, n’est pas un avantage: c’est plutôt un incitatif à publier davantage d’articles qui ne regardent qu’un pan « étroit » de la réalité, à travers une masse de données plus imposante qu’avant. Et qui, de surcroît, vont générer d’autres études sur des pans voisins de la réalité, mais tout aussi étroits, dont elles vont tirer des interprétations « beaucoup trop larges ».
« Je crains que la littérature ne soit passée d’articles présentant une seule affirmation majeure, qui est prouvée de multiples façons, à des articles qui contiennent de multiples affirmations, chacune appuyée sur un fragile roseau », a ainsi déclaré M. Kaelin.
Sa suggestion aux chercheurs qui agissent comme réviseurs des recherches avant publication: les examiner à la recherche d’originalité et de qualité des données, plutôt que de quantité. Et abandonner l’idée d’essayer de prédire l’impact qu’aura cette recherche —l’exemple le plus réjouissant à ses yeux étant cette révolution de la dernière décennie qu’est l’outil génétique CRISPR, qui était pourtant considéré au début, rappelle-t-il, comme une « simple bizarrerie de la nature ».