Depuis 2001: l’Odyssée de l’espace, les gens se demandent s’il pourrait exister des machines comme HAL 9000, et qui pourrait traiter des informations à l’aide d’une intelligence similaire à celle d’un humain. Selon des chercheurs de l’Université d’État du Michigan (MSU), il y a encore un long chemin à parcourir, mais leur nouvelle étude, publiée dans The American Naturalist s’intéresse à la façon dont les ordinateurs pourraient « apprendre à apprendre » comme bien d’autres organismes, avec des conséquences en intelligence artificielle, entre autres domaines.
« Nous savons que tous les organismes sont capables d’une certaine forme d’apprentissage, mais nous ignorions comment ces capacités sont d’abord apparues. Nous pouvons maintenant observer ces points tournants de l’évolution survenir devant nous, dans un monde virtuel », mentionne Anselmo Pontes, chercheur en informatique à la MSU et principal auteur de l’étude.
« Comprendre de quelle façon ce comportement a évolué nous aide à saisir comment il fonctionne et offre des informations utiles dans d’autres domaines comme les neurosciences, l’éducation, la psychologie, le comportement animal, et même l’IA. Cela nous offre également des indices sur le mode de fonctionnement de notre propre cerveau, et cela pourrait même mener à des robots qui apprennent de leurs expériences, comme le font les humains. »
Selon Fred Dyer, professeur de biologie intégrante à la MSU et coauteur de l’étude, ces découvertes pourraient potentiellement avoir de très grandes implications.
« Nous éclaircissons le mystère de notre propre cognition et comment cela peut influencer le futur », a-t-il déclaré. « Comprendre nos propres origines peut nous mener à développer des robots qui pourront observer et apprendre, plutôt que d’être programmés pour chaque tâche individuelle. »
Les résultats des travaux sont la première démonstration expliquant l’évolution de l’apprentissage associatif au sein d’un organisme artificiel ne possédant pas de cerveau.
« Nous nous sommes inspirés de la façon dont les animaux apprennent à reconnaître des points de repères, et s’en servent ensuite pour naviguer dans leur environnement », poursuit M. Pontes. « Par exemple, dans nos expériences en laboratoire, des abeilles ont appris à associer certaines couleurs ou formes avec des directions, pour parcourir des labyrinthes complexes. »
Puisque l’évolution de l’apprentissage ne peut être observé à l’aide de fossiles, et nécessiterait plus d’une vie entière dans un contexte d’observation dans la nature, l’équipe de la MSU, formée de biologistes et de chercheurs en informatique, a utilisé un programme d’évolution virtuelle qui lui a permis d’observer des dizaines de milliers de générations en l’espace de quelques heures, un exploit impossible à réaliser avec des organismes vivants.
Dans ce cas précis, les organismes observés ont évolué pour apprendre à utiliser des signaux environnementaux pour les aider à se déplacer dans leur environnement et à trouver de la nourriture.
« L’apprentissage est essentiel pour la plupart des comportements, mais nous ne pouvions pas directement observer l’apparition de ce processus d’apprentissage, à partir de nos ancêtres qui s’appuyaient uniquement sur l’instinct », a précisé M. Dyer. « Nous avons inclus une série de facteurs qui, pensons-nous, pourraient jouer un rôle, et avons observé ce qui s’est passé dans l’ordinateur. »
Au fil des générations, dans ce modèle numérique, les organismes ont évolué pour adopter des comportements de plus en plus complexes. D’abord, des mouvements simples pour « trébucher » sur de la nourriture. Puis, la capacité de détecter et distinguer plusieurs types de signaux, suivie par la capacité réflexive de corriger des erreurs, comme le fait de s’engager dans un mauvais chemin, revenir sur ses pas, puis en essayer un autre.
Quelques organismes ont développé la capacité d’apprendre par association. Si l’un de ces organismes prenait un mauvais virage, il pouvait ensuite corriger cette erreur, mais aussi apprendre de cette gaffe et associer le signal spécifique détecté avec la direction qu’il savait maintenant être la bonne. Dès lors, l’organisme serait en mesure de se déplacer dans le labyrinthe sans commettre d’autres impairs. Certains organismes pouvaient même apprendre ce fait de nouveau lorsqu’ils étaient « piégés » par des changements de signaux à mi-parcours.
« L’évolution dans la nature pourrait prendre trop de temps à étudier, avance M. Pontes, mais l’évolution n’est qu’un algorithme, alors elle peut être répliquée dans un ordinateur. Nous avons non seulement pu voir de quelle façon certains environnements ont favorisé l’évolution de l’apprentissage, mais nous avons vu des populations franchir les mêmes phases comportementales qui avaient été imaginées par des chercheurs qui ne disposaient pas de la technologie pour les observer. »