Présenté en grande première mondiale et devant une salle comble à Fantasia, le long-métrage Aquaslash, avec son titre très approprié, aurait pu et aurait dû représenter la quintessence du slasher québécois (pratiquement inexistant dans notre filmographie), mais ce pastiche péniblement réalisé fait peine à voir, et est encore plus douloureux à endurer.
En première partie, le public eut droit au court-métrage Cliché de Miguel de Plante, une proposition convenue qui jouait au plus intelligent que nous en exposant un peu facilement les clichés habituels du slasher, c’était néanmoins la meilleure façon de mettre la foule déchaînée dans la bonne ambiance.
Ensuite, il fut déclaré par le réalisateur sur place, Renaud Gauthier, que la version que nous allions voir n’était pas terminée. Que c’était une version du réalisateur apparemment non cotée, mais que les effets visuels n’étaient pas complétés, pas plus que la coloration, le montage, ou encore les ajustements sonores, voire même le générique de fin. Bien que demandant l’indulgence de tous, il était tout de même admis que le tout donnerait une bonne idée du produit final de cette production en gestation depuis au moins deux ans.
Le problème par contre, de cette deuxième proposition, plus de cinq ans après sa précédente, également présenté à Fantasia, c’est qu’il est inconcevable que le film en question soit potentiellement sauvé par quoi que ce soit. Qu’importe le montage, la durée ou la vision, le matériel est si exécrable qu’il devient impossible d’imaginer ou même de concevoir comment le long-métrage pourrait être sauvé et, du coup, devenir un tant soit peu tolérable.
De fait, les éléments sont là. C’est le principe du tueur en série dans un camp de vacances, mais twisté ici avec la graduation où la débauche se mêle à une tradition ayant lieu dans un parc de glissades d’eau.
On pourrait admettre que le tout se veut volontairement mauvais en essayant de pasticher à la lettre tous les codes du vieux slasher des années 80; la musique se met après tout de la partie, mais il y a quand même une différence entre prétendre être mauvais et véritablement l’être.
Ainsi, le film écarte rapidement ce qui aurait pu rendre la proposition unique en son genre, soit d’en faire quelque chose de typiquement québécois et même d’aspirer à devenir culte. On a tout de même tourné au Super Aqua Club de Pointe-Calumet, ce qui n’est pas rien! Sauf qu’à l’inverse de Robin Aubert et Les affamés, on n’a aucun intérêt à personnaliser un genre précis. L’histoire se déroule alors aux États-Unis et tout le monde parle en anglais, même le charismatique, mais sans grande substance Nicolas Fontaine, l’acteur principal et probablement le plus connu de la bande qui pousse aussi la chansonnette, au grand malheur de nos oreilles.
Plus près des Spring Breaks américains, on pourrait croire que le cinéaste aspire à ressembler à Harmony Korine et son Spring Breakers, mais cet abus mal dosé et sans rythme de célébration et de débauche avec garçons et filles en petites tenues (il y a aussi une séquence de lave-auto sans aucune justification), bains moussants, bulles de champagne, drogues et alcool au menu, tourne rapidement à vide.
C’est que dans ce film qu’on qualifie sans cesse de bain sanglant et de slasher sans pitié, on y retrouve surtout de l’ennui. On pense entre autres à la scène d’ouverture en flashback rétro qui n’est jamais expliquée (renvoyant à la tragédie qui a eu lieu au même endroit quelques décennies plus tôt), dont on nous nourrit de quelques secondes supplémentaires tout au long de la trame narrative principale, mais aussi à tous ces plans de drones qui donnent des airs de mauvaise publicité touristique pour la région, allongeant inutilement l’ensemble.
Visuellement, le film n’est même pas intéressant, n’en déplaise à quelques tours de passe-passe du directeur photo Derek Branscombe, avec les éclairages de couleurs et la fumée. Il y a des scènes de nuit qui auraient eu du potentiel, notamment en utilisant le fluo et les black lights, mais c’est un pétard mouillé, au même titre que des ralentis particulièrement mal exécutés.
De fait, le film ne bénéficie d’aucune tension, les morts tardent à arriver et lorsqu’on nous amène finalement le plat de résistance, sous la forme de la fameuse glissade et ses lames de rasoir, il y a bien peu de gore et de chair pour véritablement nous satisfaire. Les idées ne manquent pourtant pas.
On voit qu’on essaie de nous construire plus ou moins une intrigue tournant autour de l’identité de la personne qui aurait bien pu préparer un tel coup en multipliant les suspects, tout en essayant de jouer sur un certain suspense à la Hitchcock à savoir laquelle des trois glissades contient les lames et qui seront les prochaines victimes, mais encore une fois, cela tombe rapidement à plat face à si peu de maîtrise et d’assurance à l’exécution.
Aquaslash est dont rapidement non-recommandable. D’une part, on se désole que le cinéma de genre ne soit pas davantage exploité dans notre cinématographie et de l’autre, quand on s’y essaie, cela donne un produit comme celui-ci, présenté devant tout le monde dans un festival reconnu sans même être terminé ou, du moins, présentable.
Avec un concept bien pensé, mais aucunement bien développé ou approfondi, un scénario ne se concentrant jamais sur les bons éléments (il y a un triangle amoureux, un rapport à la sexualité et à la technologie, une question d’héritage, un rapport de classes sociales, le tout en vain), des acteurs qui sonnent continuellement faux et des effets qui sont volontairement ou non tout droit sorti du film le plus amateur imaginable (dur de croire qu’on les doit à la même équipe que Turbo Kid dont le gore préservait tout de même beaucoup de son intérêt), voilà une production qui attire l’attention partout où elle passe, jusqu’à ce qu’on découvre véritablement de quel bois elle se chauffe. Alors là, tout est immédiatement perdu.
2/10
Une version director’s cut qualifiée de « unrated » non-finalisée de Aquaslash a été présentée en première mondiale dans le cadre du Festival international de films Fantasia. L’avenir du film demeure toutefois incertain, sur le grand ou le petit écran.
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