« N’exigez rien de plus que ce qui vous a été fixé » répondait Jean Baptiste aux collecteurs d’impôts qui venaient se faire baptiser, « vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins et qui se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage », lit-on dans la Bible. Le saint de la fête nationale du Québec célébrée le 24 juin s’est métamorphosé de l’Antiquité à aujourd’hui.
À l’origine, la Saint-Jean-Baptiste marquait le jour le plus long de l’année au tournant du solstice d’été, soit le 21 juin. Par la coutume des feux de joie, cette fête païenne était l’occasion de célébrer le culte de la lumière, du soleil et du feu. Ainsi, les agriculteurs marquaient le cycle des récoltes des grands travaux dans les champs jusqu’à la fin de l’été. Le passage du calendrier julien au calendrier grégorien a entraîné le déplacement de la fête au 24 juin, d’après l’auteur d’un mémoire sur la Saint-Jean-Baptiste, Marc Ouimet. La fête de Noël est son pendant hivernal symbolisant le triomphe de lumière sur les ténèbres du jour, au tournant du solstice d’hiver.
L’éditeur du journal La Minerve et président de la société « Aide-toi et le ciel t’aidera » afin de discuter de politique et littérature à l’époque, le journaliste Ludger Duvernay, a organisé la première fête de la Saint-Jean-Baptiste en 1834 sur le futur site de la Gare Windsor. « Les lumières suspendues aux arbres, la musique et l’odeur embaumée que répandaient les fleurs, la beauté du site, tout tendait à ajouter aux charmes du spectacle. Cette fête, dont le but est de cimenter l’union entre les Canadiens, ne sera point sans fruit. Elle sera célébrée annuellement comme Fête Nationale…», d’après La Minerve de juin 1834, cité par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal en juin 2014.
La Rébellion des Patriotes de 1837-1839 a amené les Canadiens français à s’approprier les emblèmes du castor et de la feuille d’érable, repris plus tard par le Canada. Basile Routhier a composé l’hymne national Ô Canada pour la Saint-Jean-Baptiste de 1880, rapporte Marc Ouimet dans Le Devoir de juin 2010. La représentation clérico-nationaliste de Jean Baptiste comme un enfant bouclé accompagné d’un mouton a laissé sa place à un homme mature inspiré de la sculpture de Rodin en 1964, au début de la Révolution tranquille, poursuit-il. Gilles Vigneault a lancé sa célèbre chanson « Gens du pays » et Ginette Reno a interprété la chanson « Un peu plus haut, un peu plus loin » en 1975.
Le gouvernement dirigé par René Lévesque proclame le 24 juin jour de la Fête nationale du Québec en 1977. La journée fériée et chômée est désormais laïque et pour tous les habitants du Québec. Dans cette veine, le défilé national de 1990 s’est ouvert sur un énorme mouton noir, le « Mouton de Troie », tiré par 24 jeunes saints Jean Baptiste provenant de diverses communautés culturelles. Le concepteur, Richard Blackburn du Cirque du Soleil, s’était donné pour mission de renouveler l’imaginaire collectif par une réinterprétation subversive du symbole canadien-français du mouton « pure laine ».
Au moment de l’édition 2016 de la « Saint-Jean » ici au Québec, le Royaume-Uni tient un référendum sur sa « séparation » de l’Union européenne (UE), le fameux Brexit du 23 juin, deux ans après le référendum sur la « séparation » de l’Écosse du Royaume-Uni pour éventuellement se rallier à l’UE.
Il s’agit d’une occasion de nous questionner sur la différence entre « séparation » et « indépendance », et de la valeur accordée au référendum.