Samuel L. Jackson avait-il besoin de menue monnaie pour aller faire des courses? Voilà qu’on nous assène Shaft, un semblant de redémarrage de la série télé des années 1970 et du film du début des années 2000, avec pour résultat un film aussi beige que sa distribution principale est noire.
Toujours plongé dans une vie de crime et de danger, John Shaft est amené, par la force des choses à laisser de côté son fils et la mère de son enfant au milieu des années 1990. C’est ce même fils, un quart de siècle plus tard, qui devra faire appel à son père pour résoudre l’histoire de la mort de l’un de ses bons amis, et mettre au jour un important réseau de trafic de drogue dans la foulée.
Jusque là, tout pourrait bien aller, si ce n’est du ton du film réalisé par Tim Story, qui se spécialisait auparavant dans la production exécutive de téléséries. Le voilà donc à la tête d’un long métrage écrit par trois têtes différentes, et où le blaxploitation des années 1970 et 1980 côtoie fort maladroitement la formule du buddy cop movie des années 1990 et 2000. C’est que le fils en question, John junior (forcément), a été élevé selon des principes complètement opposés à ceux de son père. Si ce dernier vit en marge de la société, loin de l’autorité, et préfère les poings, la pornographie et les armes à feu, le fils, lui, a une existence bien rangée, travaille comme analyste pour le FBI et s’habille comme un premier de classe. De là à faire savoir aux cinéphiles « qu’un vrai homme noir, ça s’habille avec un col roulé et un trench coat, en plus de casser la gueule aux bandits », il n’y a qu’un pas que le film s’empresse de franchir.
Pourtant, le potentiel était là: un fils abandonné par un père forcé de lutter contre le crime, plutôt que de s’occuper de sa famille, un clash de valeurs entre les notions claires de la loi et l’ordre et la « réalité » de la rue, un crime qui brouille les frontières habituellement nettes… On aurait pu faire de ce Shaft un bon, voire un très bon film noir (sans jeu de mots), tout en y injectant une bonne dose de funk issue de la série télé originelle.
L’idée n’était pas de copier Black Dynamite, par exemple, qui donne complètement (et délicieusement) dans la satire. Mais il était certainement possible de se rapprocher de quelque chose ressemblant à Training Day, sans doute. Même la mouture du début des années 2000, encore une fois avec Samuel L. Jackson, avait ce petit côté sombre qui accrochait. Ici, tout est prétexte à de mauvais gags, à de l’humour gras et à des raccourcis intellectuels et scénaristiques absurdes. Personne ne devrait être excité de voir un homme utiliser un pistolet pour tuer des gredins dans un restaurant… à moins de souffrir de problèmes psychologiques. Et pourtant, voilà que Sasha, l’amie de notre jeune héros, semble inonder sa petite culotte lors de cette fusillade. Quel message souhaite-t-on envoyer, au juste?
Voilà donc Shaft, un navet endormant qui a sans doute permis à Samuel L. Jackson de payer son épicerie, ou encore ses prochaines vacances. À fuir à toutes jambes.
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