Ça y est, le réputé cinéaste du peuple Luc Besson a officiellement touché le fond. Pas seulement au niveau personnel, petite référence à ses déboires juridiques, mais au niveau artistique, si on peut vraiment lui accorder ce prestige, avec ce Anna, production minable et risible qui assomme par son incapacité à se tenir debout, n’en déplaise à son héroïne indestructible qui croit encourager le féminisme, mais ne fait qu’étendre les problèmes misogynes de son créateur. En gros, un navet pur et dur qui a bien failli ne jamais se rendre sur nos écrans.
Le féminisme ayant la cote, il n’est pas surprenant de voir tant de gens s’y mettre. Seulement, maladresse il y a que de voir tant d’hommes mal interpréter le concept en favorisant leurs désirs plutôt que le nécessaire, pensant faire avancer la cause en maximisant la visibilité et le temps d’écran féminin, tout en leur donnant des rôles ridicules et des actions où leur corps est favorisé.
Il y a eu ce Atomic Blonde, hautement fantasmé, tout comme ce très problématique Red Sparrow et, loin derrière, Anna, qui aimerait surfer sur la vague des John Wick pour accomplir ce que The Transporter n’a jamais vraiment réussi à réaliser.
N’étant pas dupe, Luc Besson n’a certainement pas voulu laisser le succès lui échapper et a décidé de s’occuper entièrement de son bébé, s’assurant entièrement de la réalisation et de l’écriture, comme c’était le cas lors de son grand saut à Hollywood, ajoutant cette fois le rôle prioritaire de producteur pour ne pas entacher sa vision. De quoi rendre encore plus pathétique cet essai de celui qui a jadis offert des rôles glorifiants à la gente féminine, donnant le coup d’envoi à des films d’action misant sur les femmes, comme Nikita, mais aussi des propositions tel The Fifth Element et bien sûr Léon, mieux connu sous le titre The Professional.
Les priorités ayant changé, la nouvelle création de Besson pourrait difficilement paraître plus archaïque et fauchée, avec son histoire inutilement alambiquée qui, malgré sa protagoniste féminine musclée et habile, n’en demeure pas moins tiraillée par les hommes et tout à la fois dépendante (elle leur doit la vie) et prisonnière (la liberté nous est constamment remâchée comme but ultime) de ces derniers.
Pire, sans prétendre à une histoire de Guerre froide implantée en plein monde moderne, comme dans le film où Jennifer Lawrence se prostituait littéralement pour tuer « de méchants messieurs », on a envie de jouer la carte du passé. Sauf que loin de la certaine aisance de David Leitch, cascadeur devenu réalisateur, on semble ici incapable de représenter de manière crédible l’époque qu’on nous martèle au visage avec des sous-titres au bord de l’infantilisation. Comme le fait de nous préciser par exemple que cinq ans plus tard, après 1985, nous amène en 1990. Puisque tout le monde sait que compter jusqu’à cinq est particulièrement compliqué pour les adeptes de films d’action.
Ordinateurs portables en pleine Russie communiste pour la classe ouvrière, plats en plastique pour les fruits et on en passe, on s’est difficilement forcé pour arranger les accessoires et les lieux de tournage pour correspondre au profil du scénario, et cela ne fait qu’amplifier la paresse de ce film qui, ô misère, semble constamment convaincu qu’il est plus brillant que nous (pratique courante chez Hollywood, cette belle industrie construite sur du vide et de la naïveté). Au moins, le passable Lucy avait l’excuse de s’en tenir à un scénario reposant sur une prémisse farfelue s’apparentant à la science-fiction, plutôt qu’à la réalité d’hier.
Voilà donc que nous vient ce Anna qu’on aimerait bien avoir construit comme d’un casse-tête qui joue au plus malin.
Seulement, on s’est défait de son leitmotiv le plus intéressant, celui de l’idée des poupées russes qui s’imbriquent les unes dans les autres au point de ne plus vraiment savoir qui est qui (la protagoniste russe est après tout constamment déchirée et désirée de toute part), ne misant que sur une temporalité jouant sur les alternances et les retours en arrière histoire de nous montrer ce qu’on n’a « pas vu venir ». Procédé qui devient rapidement blasant, au même titre que les ridicules flashbacks qui n’aident en rien la cause de ce film pratiquement amateur dans sa tentative de reposer sur un semblant de scénario.
Cela n’aide pas d’avoir la mannequin Sasha Luss qui joue les actrices. Tout le monde n’est pas Cara Delevingne, et bien qu’elle apparaissait aussi au générique de Valerian and the City of a Thousand Planets, elle aurait dû en rester à des rôles de soutien puisque son charisme ne tient qu’à un fil. Bien sûr, on l’entoure de gros noms. Après sa participation à la franchise des Fast and Furious, Helen Mirren a encore grandement le goût de s’amuser de jouer avec son image comme dans les deux RED, mais si on ne se surprend pas à voir Luke Evans ajouter un autre film douteux à sa filmographie, on regrette grandement que Cillian Murphy y pointe le nez.
Anna est donc déplorable à tous les niveaux. Si certaines chorégraphies valent un peu leur pesant d’or (la séquence dans le restaurant n’est vraiment pas si mal, à défaut d’être régulièrement malhabile), tout y sonne faux. Des dialogues à l’histoire en passant par la crédibilité de l’ensemble qui se prend décidément beaucoup trop au sérieux au fil de ses interminables deux heures qui taquine également bêtement le milieu de la mode. Certes, on y rit un bon coup à plus d’un moment tellement le pathétisme y est impressionnant, mais mêmes aux termes d’une mauvaise blague, celle-ci a vite fait de s’étirer.
1/10
Anna prend l’affiche en salles ce vendredi 21 juin.