Sous l’une des tentes installées dans le Vieux-Port de Montréal, la foule profitait de quelques minutes d’ombre dans l’après-midi ensoleillé de samedi, mais pas seulement. « Est-ce que la voiture est un problème », a demandé le conférencier Jérôme Laviolette. « Oui », ont clamé en chœur les nombreux enfants présents. « Est-ce que conduire est un plaisir », a demandé ensuite le chercheur. « Non », se sont exclamés les bambins, visiblement déjà bien sensibilisés au concept de mobilité durable… à la surprise de M. Laviolette, qui considère lui-même la conduite comme un plaisir!
L’étudiant au doctorat à la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal donnait la conférence Mobilité durable: rêve ou réalité?, durant le festival Eurêka, qui s’est déroulé du 7 au 9 juin. Il pense que la voiture est utile mais qu’elle doit être utilisée avec modération, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « On les connaît, les solutions », rappelle-t-il : transports en commun, autopartage, vélo, marche.
Selon lui, les villes québécoises ont donné trop d’espace aux voitures, qu’il faut maintenant réduire par de nouveaux aménagements, afin de rendre la marche et le vélo plus attirants et plus sécuritaires. Il rappelle aussi les fortes habitudes, les bonnes perceptions, les symboles positifs et le plaisir associés aux automobiles, dont la possession fait partie de la norme sociale.
Le doctorant évite toutefois de révéler au public une autre raison du maintien de l’utilisation de la voiture. « Il y a un problème de moyens financiers et législatifs », affirme-t-il une fois sa conférence terminée, en référence aux objectifs de la politique de mobilité durable adoptée par le gouvernement de Philippe Couillard puis repris par celui de la CAQ. Les cibles de cette politique sont ambitieuses. Parmi elles, réduire de 20% l’usage de l’automobile en solitaire, augmenter de 30% la fréquentation des transports collectifs et diminuer de 37,5% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
« Le REM avance très vite, se félicite M. Laviolette. Mais c’est dommage que les querelles politiques empêchent le développement du réseau de transports collectifs à Québec. Ce dont cette ville n’a pas besoin, c’est d’un troisième lien. » Les 83% des habitants de la province en faveur du développement des grands projets de transport en commun, selon le Baromètre CIRANO 2018, le rendent néanmoins optimiste pour le futur. « Les politiciens vont suivre », espère-t-il.
Le doctorant souligne également que les transports sont tributaires de l’urbanisme. Selon lui, une mobilité durable passe par une densification des villes. « Ça va prendre une dizaine d’années », juge-t-il.
Le festival Eurêka, qui a fait de la mobilité sa thématique principale cette année, a mis en valeur deux initiatives privées visant à rendre le vélo plus attirant. L’entreprise Picolo vélo a présenté son bicycle de luxe au cadre en bois. La société Smarthalo pour sa part, a exposé un dispositif s’installant sur le guidon d’un vélo et faisant office de GPS, d’alarme, de lampe, etc. Ceci dit, ils sont à Montréal devant un public déjà gagné à la cause: l’attrait des Montréalais pour le pédalage est déjà en hausse… même en hiver! Les cyclistes étaient 13% sur leur deux-roues quelle que soit la saison en 2017 contre 6% en 2009, selon la mairie et Eco-compteur.
Autre version de la mobilité: l’hyperloop, à propos de laquelle une autre entreprise canadienne, Transpod, a présenté sa vision lors d’Eurêka. Elle teste actuellement un véhicule de la taille d’un autobus, en lévitation magnétique dans une atmosphère à basse pression contenue dans un tube d’acier. Ce train du futur, complètement électrique, pourrait faire le trajet entre Montréal et Toronto en 45 minutes. Selon le directeur des achats de la société, Thierry Boitier, les premiers passagers pourraient voyager dès 2030, entre Calgary et Edmonton, pour un coût estimé entre 60 et 80$.
Transpod a l’ambition de diminuer drastiquement le trafic aérien mais pas de concurrencer la voiture. Deux étudiants de Polytechnique Montréal, Laurent Blair et Virginie Larivière, ont attiré en ce sens l’attention du public sur une voiture électrique fonctionnant à l’énergie solaire, conçue et fabriquée par eux et certains de leurs camarades dans le cadre d’un projet étudiant. S’il coûte 200 000$ aujourd’hui (main-d’œuvre non comprise), Laurent espère que ce type de véhicule pourra être commercialisé dans 50 ans. Esteban 9 peut atteindre 115 km/h et pourrait rouler indéfiniment à 70 km/h, sous un aussi beau soleil que celui de samedi dernier.
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