C’était une bonne idée: un compte Twitter uniquement destiné à rappeler que telle ou telle étude montée en épingle dans les médias ou les réseaux sociaux n’a en réalité été menée « que sur des souris ». Sauf que le compte ne devrait pas oublier de rappeler que le péché est souvent commis par les scientifiques eux-mêmes.
En moins de six semaines, le compte @justsaysinmice (littéralement: ça dit juste « sur les souris ») a gagné plus de 56 000 abonnés. Et ce, rien qu’en ajoutant le commentaire « IN MICE » comme réponse à des messages relatifs à des études — sur des régimes alimentaires, le développement du cerveau ou les cellules de la peau qui pourraient engendrer des cellules souches.
Son créateur, James Heathers, est chercheur à l’Université Northeastern de Boston, et expliquait le mois dernier avoir créé ce compte par frustration: « Il y a tellement d’histoires sur la-dernière-chose-que-vous-devez-savoir-sur-ce-qui-va-vous-tuer-mardi-prochain qui pourraient avoir leur facteur de précision amélioré significativement avec le seul ajout de POUR LES SOURIS. »
Les journalistes sont nombreux à avoir fait le même reproche à leurs collègues au fil des années — les journalistes spécialisés en science, du moins. Mais cette démarche sous-estime le rôle d’un autre acteur, le chercheur lui-même, réplique dans un autre billet de blogue Nicole Nelson, de l’École de médecine et de santé publique de l’Université du Wisconsin: « En tant qu’ethnographe qui a passé des années dans des laboratoires de génétique du comportement de la souris, j’ai observé des scientifiques éprouvant eux-mêmes des difficultés à parler du lien entre souris et humains dans leurs propres expériences. »
Parfois, c’est le vocabulaire qui fait défaut. Les biologistes qui étudient l’anxiété chez des rongeurs savent bien qu’on ne peut jamais être sûr qu’un comportement traduit bel et bien que l’animal est anxieux. Ils emploient des détours tels que « tests de comportements similaires à l’anxiété », mais seront les premiers à abréger la phrase dans leurs propres communications entre collègues… souvent parce que, écrit Nicole Nelson, les collègues d’autres disciplines sont eux-mêmes confondus par cette expression. Il y aurait tout un nouveau vocabulaire à développer, et pas que pour les tests d’anxiété : pour toutes ces manières incorrectes d’exprimer les différents niveaux d’incertitude en science.
« Il est facile de blâmer le mauvais reportage pour avoir fait paraître des découvertes scientifiques comme étant plus sûres qu’elles ne le sont vraiment, mais c’est ignorer l’imprécision avec laquelle les scientifiques eux-mêmes parlent… Même lorsqu’une manchette dit clairement que l’étude a été faite sur des souris, l’interprétation qu’aura une personne du temps qui reste avant une application clinique sera probablement très différente de l’interprétation d’une autre personne. »