Au diable le mur du président Trump: c’est au tour des citoyens d’Amérique centrale de tout laisser derrière eux pour un avenir meilleur plus au nord. Le journaliste mexicain Francisco Martín Moreno met en cause l’héritage de l’empire espagnol dans El Pais du 11 avril, alors que le journaliste italien et auteur de Gomorrah (2006), Roberto Saviano, relève la responsabilité des États-Unis dans le New York Review of Books du 7 mars en lien avec cette situation chaotique à fuir.
Le roi d’Espagne détenait un pouvoir absolu en Amérique espagnole en concédant des exemptions ou en les niant, de sorte qu’il intervenait dans les décisions judiciaires et pouvait se contredire impunément le jour suivant. Le Parlement et le Congrès ont fait leur apparition au début du 19e siècle, mais sans que ces instances soient autonomes en tant que pouvoir législatif. Pour le journaliste Francisco Martín Moreno, il est clair que la naissance de l’impunité, de l’autoritarisme et de la corruption qui caractérisent les gouvernements des pays centraméricains encore aujourd’hui est l’héritage de cette structure problématique. De plus, l’élite créole et l’Église se sont opposées aux réformes institutionnelles.
L’autoritarisme espagnol fut reprit par les dirigeants autoritaires comme les Somoza et Daniel Ortega au Nicaragua et Rafael Trujillos en République dominicaine, une énumération que le journaliste étend à Fidel Castro à Cuba et à Nicolás Maduro au Venezuela. L’ensemble a contribué au retard politique dénoncé par Francisco Martín Moreno.
Ainsi, l’organisation inefficace de l’économie, le manque de participation populaire aux affaires de l’État, les guerres et invasions, le rôle de l’Église en faveur des riches, l’incertitude économique et sociale, la corruption, la monopolisation étatique d’un projet éducatif envers une société indolente qui déprécie les dangers de l’ignorance et de l’analphabétisme, sont les raisons qui poussent les citoyens à prendre la route.
Peu importe leur pays d’origine, ces migrants se dirigent vers les États-Unis à la recherche de ce qu’ils ne trouvent pas chez eux : un emploi, la liberté d’expression, la justice, l’éducation, les droits de la personne, le civisme… au-delà des objectifs supposément révolutionnaires.
Zone de guerre
Le Salvador, le Guatemala et le Honduras constituent la zone de guerre la plus dangereuse au monde, puisque cette région se situe entre les principaux producteurs de cocaïne, la Colombie, le Pérou et le Bolivie, et le plus important vendeur, le Mexique, schématise le journaliste Roberto Saviano. Aujourd’hui, les gangs, ou maras, fournissent les meilleures opportunités d’emploi pour les jeunes en Amérique Centrale. Selon un rapport du United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC) de 2012, ces groupes criminalisés comptent 20 000 membres au Salvador, 22 000 au Guatemala et plus de 12 000 au Honduras.
L’entente Mérida Initiative, signée par les États-Unis, le Mexique et les pays d’Amérique centrale en 2008, avait pour objectif de lutter contre le narcotrafic en offrant un support économique, un entraînement policier et des ressources militaires. En place depuis 2006, les cartels situés au Mexique se sont transformés en groupes criminalisés désormais répandus en Amérique centrale. Ce contexte a transformé le Honduras en narco État, reconnu en tant que tel par les États-Unis en 2010.
L’offensive américaine n’a visé que la suppression des organisations criminelles, sans s’attarder au problème de la drogue à l’échelle sociétale, soit le trafic et les gangs. Par le déploiement de ces ressources afin de maintenir l’ordre, les États-Unis sont responsables en partie de l’expansion du narcotrafic, souligne Roberto Saviano.
Peu importe leur histoire personnelle, les migrants ont en commun le besoin plus que le désir d’échapper à la violence des groupes criminalisés, ainsi que l’absence de travail et d’opportunités dans leur pays d’origine.
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