Au septième art, il est souvent bien tentant d’arpenter les sentiers battus, plutôt que de se risquer dans la forêt vierge des productions originales. Dommage toutefois que cette redite hollywoodienne ne fasse que saccager une œuvre qui était pourtant extrêmement sympathique. The Hustle sera, on l’espère, vite oublié, histoire de ne pas trop nuire au passé.
Éclipser un film avec Marlon Brando semble être tout un exploit et c’est pourtant ce que l’acteur Frank Oz a réussi parmi ses nombreuses offrandes à titre de réalisateur. Au point où son très amusant Dirty Rotten Scoundrels, à défaut d’être exemplaire, a certainement marqué davantage les esprits que Bedtime Stories. S’il a eu moins de chance en refaisant The Stepford Wives, grâce au charisme et à la chimie exemplaire de Steve Martin et Michael Caine, il a offert un film offrant une intéressante variation sur le film d’escrocs.
Pourtant, le voilà à rappeler Death at a Funeral, où une proposition délirante se voit refaire pratiquement plan par plan, avec un détail non-négligeable. Si l’hilarante comédie principalement britannique avait eu le traitement afro-américain (tendance en vogue depuis quelques temps avec le récent What Men Want), Dirty Rotten Scoundrels se voir rebaptiser The Hustle pour mettre les femmes à l’avant-plan, ce que Ghostbusters et Ocean’s 8 ontfait avant lui. Une décision surprenante, mais prévisible d’un film qui a également eu un traitement bollywoodien il y a près de trente ans!
Certes, on ne peut pas leur en vouloir d’avoir pratiquement conservé l’ensemble du scénario original, avec variations ici et là (dont un inversement des positions lorsque vient le temps de la grande révélation) et changeant régulièrement la donne pour favoriser les personnages féminins, tellement la base était indubitablement solide.
Seulement, l’histoire était déjà ingénieuse au départ, en renversant sa misogynie apparente lors d’une savoureuse conclusion. En essayant de rendre le tout féministe en donnant la parole aux femmes, mais en conservant la même morale, disons que ça ne fonctionne plus du tout. Surtout qu’on a diablement rajeuni le contrepoids masculin, rendant encore plus ridicule l’intelligence de celui qu’on croit flouer.
Puisque voilà, tout tient sur la dualité et la complicité entre les protagonistes opposés, ayant leurs propres méthodes d’escroqueries, qui décident de se lancer un pari compétitif pour gagner la ville fictive de Beaumont-sur-mer, repère idéal pour des riches naïfs et sans défense. Si choisir la toujours bien éclatée Rebel Wilson pour prendre la place du cabotin est effectivement naturel, il est beaucoup plus ardu de miser sur l’hypocrite Anne Hathaway pour jouer l’élégante frigide (on a même inséré un clin d’oeil à Julie Andrews, qui rappellera certainement The Princess Diaries). L’Australienne a d’ailleurs produit le projet, contrairement à sa partenaire.
Les deux femmes ont beau tenter de repousser leurs propres limites, le courant ne passe jamais véritablement et on est davantage amusés par les situations que par leur performance, tout l’inverse du film d’origine. Le scénario a été confié à une femme, mais l’utilisation des charmes féminins semble aussi problématique que dans Red Sparrow, alors que la réalisation de Chris Addison, pourtant collaborateur fréquent du maître de l’humour vif et intelligent Armando Iannucci, est dénuée d’une véritable personnalité, malgré des élans musicaux tantôt chics, tantôt chocs.
Sans grand potentiel, cette reprise rebaptisée The Hustle n’a certainement pas le charme de son prédécesseur. Pourquoi, alors, bouder son plaisir? L’original conviendra bien mieux aux cinéphiles.
5/10
The Hustle prend l’affiche en salles ce vendredi 10 mai.