Difficile de bien décrire Ouff, une oeuvre d’Alexis O’Hara présentée à La Chapelle. Est-ce une charge contre le capitalisme? Une attaque contre l’hétéronormativité? Une offensive pour faire venir enfin à bout du « privilège blanc »? L’oeuvre affirme être tout cela, mais est aussi – et surtout – une plongée psychédélique dans le processus créatif de son auteure.
Dans la petite salle presque cachée dans un recoin anciennement industriel du Plateau-Mont-Royal, des cordes tendues délimitent froidement ce qui s’avérera être le terrain de jeu socio-économique de l’artiste. Des cordes qui, déjà, représentent à la fois les limites du système actuel, mais aussi des appuis à partir desquels s’élancer vers de nouveaux horizons.
À l’heure prévue du début du spectacle, Mme O’Hara arrive tout simplement sur scène, vêtue d’une robe de chambre recouvrant son costume couleur chair. La voilà qui parle avec le public, dans une sorte de séance « avant-spectacle », où elle décrit de façon particulièrement intéressante sa démarche de création. C’est aussi l’occasion, avec force gags à l’appui, d’évoquer les limites de sa propre réflexion sur les carcans imposés par le statu quo socio-politico-économique sur l’ensemble de la société. Elle-même Blanche, et n’ayant sans doute pas vraiment eu à surmonter les obstacles souvent réservés aux gens provenant des communautés culturelles, est-elle la mieux placée pour aborder des thèmes aussi complexes?
Ironiquement, ces quelques minutes qualifiées de « préliminaires » sont possiblement les plus intéressantes pour ceux ou celles désirant s’intéresser à ces questions. Sans dénigrer ce qui suivra ce début/fin de spectacle, Ouff est clairement une oeuvre séparée en deux parties: la réflexion intellectuelle, d’abord, puis la perception artistique, où se mêlent décors étranges, costume à la fois aguichant et grotesque, et expérimentations sonores surprenantes.
Aux commandes d’un univers qui se réduira rapidement aux dimensions d’une salle surchargée de projections, d’effets lumineux et d’accessoires déjantés, Alexis O’Hara propose un voyage dont on ne sort pas indemne. Ne cherchez toutefois pas ici des interrogations philosophiques ou un discours cohérent du début à la fin. Cette intériorisation des « privilèges » sociétaux, l’artiste la vit par ses tripes. On cesse en fait rapidement de chercher à comprendre, pour plutôt préférer plonger avec elle dans les méandres du conscient et de l’inconscient. Et au bout d’une petite heure, le public revient à la surface, un peu stupéfait devant l’état des lieux, avec cette gigantesque pieuvre gonflable qui a étendu ses tentacules un peu partout, y compris au-dessus des gradins.
Coup de gueule? Bouteille jetée à la mer? Ouff a toutes les allures du début d’une réflexion que le public se devra de poursuivre une fois rentré chez lui. Parions cependant que l’aventure perdra alors un peu de son côté excentrique…
Ouff, d’Alexis O’Hara, à La Chapelle jusqu’au 10 mai.
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