Jean-Luc Cornette livre un conte poignant sur le véritable sens de la richesse et son inégale distribution avec La Perle, une bande dessinée adaptée du classique du même nom du Nobel de littérature John Steinbeck.
Habitant une modeste hutte de la péninsule mexicaine de Basse-Californie avec sa femme Juana, Kino, un pêcheur ne possédant pour seule richesse qu’une pirogue léguée de génération en génération, connaît un bonheur relatif malgré la misère dans laquelle il vit. Quand son jeune fils, Coyotito, est piqué par un scorpion, le père affolé court chez le docteur, mais ce dernier refuse de traiter les Indiens, parce que ceux-ci n’ont pas d’argent, et qu’il est « médecin, pas vétérinaire ». Kino prend alors sa barque avec la ferme intention de charger ses filets d’huîtres pour payer les soins médicaux de son garçon, mais il tombe plutôt sur une énorme perle, la plus grosse que le monde n’aie jamais vu. Convaincu que la fortune lui sourit enfin, Kino se verra malheureusement confronté à la jalousie des habitants de son village, et en viendra rapidement à regretter d’avoir mis la main sur ce trésor maudit.
Connu pour des œuvres comme À l’est d’Éden, Les Raisins de la colère ou Des souris et des hommes, l’écrivain américain John Steinbeck a produit plus de vingt-sept livres au cours de sa carrière, et si vous n’avez jamais entendu parler de La Perle, un roman inspiré d’un conte traditionnel mexicain et paru originalement en 1947, l’adaptation en bande dessinée que signe Jean-Luc Cornette constitue le prétexte parfait pour s’initier à ce classique. Bien que son histoire soit simple, linéaire même, son propos anticolonialiste continue de trouver écho de nos jours, et en dépit de sa vision très judéo-chrétienne de la richesse qui, comme le veut l’adage, ne fait pas le bonheur, cette parabole demeure pertinente en traitant de sujets universels comme le racisme, l’injustice, la cupidité, ou les « bienfaits » qu’apportent la civilisation.
Jean-Luc Cornette laisse d’abord parler les images dans La Perle, et on compte de longs moments sans aucun texte. Le tout premier mot ne sera d’ailleurs prononcé qu’à la page dix-huit, ce qui produit une bande dessinée très atmosphérique. L’artiste transpose la musicalité du texte de Steinbeck dans ses illustrations stylisées, et d’un trait anguleux, presque féroce, il croque l’austère beauté de la nature où vivent les Indiens, et trace les mouvements des nuages ou de la mer en furie à l’aide de centaines de fines lignes de crayonnage. Sa coloration aux accents éditoriaux teinte le monde « civilisé » de couleurs ternes, acidulées (citron, olive, etc.) et le monde « primitif » de tons éclatants (turquoise, orange, rouge), ce qui appuie encore plus le contraste entre les deux univers.
Grâce au splendide travail graphique de Jean-Luc Cornette, La Perle modernise de belle façon le roman de John Steinbeck, et la bande dessinée permettra à une nouvelle génération de découvrir cette fable intemporelle sur les joies, bien éphémère, que procurent la richesse.
La Perle, de Jean-Luc Cornette (d’après le roman de John Steinbeck). Publié aux Éditions Futuropolis, 136 pages.
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