Dans notre société hyperconnectée où une forte majorité des emplois consiste à travailler sur un ordinateur, et donc à fixer un ou plusieurs écrans pendant des heures, avant de rentrer à la maison pour fixer un nouvel écran, un spécialiste de l’oeil met en garde contre les conséquences moins connues de la sécheresse oculaire.
En entrevue téléphonique, le Dr François Piuze, de la clinique Eye-Am, reconnaît que la question de la sécheresse oculaire défraie rarement la manchette. Il n’en demeure pas moins, dit-il, que ce problème de santé est tout sauf banal.
« Clairement, l’intérêt des médias pour cette question augmente; il y a même une notion de santé publique, là-dedans », indique-t-il au bout du fil.
« Nous essayons de développer des programmes avec des entreprises qui comptent beaucoup de travailleurs installés devant des écrans, comme par exemple des compagnies d’assurance », poursuit le spécialiste, qui précise qu’en raison de la petite taille de sa clinique installée à Québec, les interventions se font habituellement au cas par cas, même s’il serait nécessaire de diffuser largement les informations sur ce mal oculaire.
« Pourquoi est-ce que la sécheresse oculaire est de plus en plus fréquente? D’abord, parce que c’est reconnu, nous savons que c’est un problème, et que ce n’est pas dans la tête des gens. La technologie nous permet aussi d’identifier et de catégoriser les patients. Et, enfin, nous avons aujourd’hui davantage de solution qu’auparavant. »
Au repos, dans un environnement « normal », une personne clignera des yeux à toutes les cinq secondes. En fixant un écran, cette fréquence de clignement chute pour atteindre en moyenne un clignement à toutes les 12 secondes. « Je pense que c’est une question d’attention; il y a diminution de la fréquence des clignements parce que nous sommes concentrés. À l’écran, on ne peut pas simplement regarder les caractères, il faut que notre cerveau analyse les mouvements de la souris. C’est plus complexe que simplement regarder une vidéo qui joue », poursuit le Dr Piuze, qui trace un parallèle avec la conduite automobile, où là encore, le rythme de clignements ralentit.
Du côté des solutions, il y a bien sûr la possibilité d’utiliser des gouttes pour s’hydrater les yeux, mais le Dr Piuze propose plutôt la technique du « 20-20-20-20 »: « À toutes les 20 minutes, regarder à plus de 20 pieds pendant 20 secondes, puis cligner 20 fois des yeux. »
« C’est une espèce d’hygiène visuelle, si on veut, devant l’écran, pour éviter les problèmes et avoir un impact sur nos habitudes. »
Au-delà de la sécheresse et de la brûlure qui surviennent lorsque l’on cligne moins souvent des yeux, il est aussi possible de perdre une partie de la couche de larmes superficielles qui protège nos yeux contre la saleté, les infections, etc.
Cette couche de larmes est produite par des glandes situées dans les paupières, glandes qui excrètent leur contenu lorsque l’on cligne des yeux. À force de moins s’en servir, puisque nous sommes concentrés, ces glandes finissent par ne plus sécréter leur liquide protecteur et en viennent à ne plus fonctionner correctement, ce qui rend les yeux vulnérables, encore une fois. Et ces dégâts ne peuvent être réparés, précise le Dr Piuze. À garder en tête, donc, avant une prochaine journée passée devant l’ordinateur.