Tintamarre de casseroles, manifestations massives, carrés de feutrine épinglés, l’enseignant au collégial en science politique Claude André revient sur l’événement qui a choqué l’histoire du Québec en 2012.
L’essai Quand la clique nous manipule, du printemps érable à Donald Trump, paru aux éditions Dialogue Nord-Sud, aborde le marketing politique du gouvernement Charest, contribuant à polariser les citoyens de façon radicale et, suivant la chronologie, à l’augmentation d’une perte de sens.
Tout le monde en parle, diffusée le dimanche soir sur les ondes de Radio-Canada, n’a rien d’une émission d’affaires publiques qui inviterait des politiciens à des entrevues de type sellette où ces élus devraient rendre des comptes à la population en direct. N’empêche que ce «carrefour de discussions» télévisuel attire un nombre important de téléspectateurs au point d’influencer l’opinion publique. Pour Claude André, la campagne électorale 2012 s’est réellement amorcée le 18 mars 2012 par le passage «orchestré» de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp. À la différence de l’entrevue plus spontanée du chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, dont une déclaration a traduit son manque de culture politique.
À la suite de cette émission et au courant de la vague de manifestations, Claude André explique que le gouvernement libéral de Jean Charest a mis en œuvre une wedge politic ayant pour objectif de dégager une marge d’appui optimale de la part d’une clientèle traditionnelle, tout en ralliant les indécis à une proposition lourdement chargée de sens du point de vue émotif. Dans cette optique, le discours vise à prendre le pouvoir. Claude André spécifie qu’il est compréhensible que le porte-parole de la CLASSE de l’époque, Gabriel Nadeau-Dubois, ait eu du mal à objectiver l’instrumentalisation de sa lutte par le pouvoir en place, et ce bien avant la crise.
À la lumière de cette analyse, les étudiants auraient-ils dû cesser de manifester ou appuyer le changement de gouvernement aux prochaines élections plutôt que de se mobiliser pour une revendication précise en lien avec l’éducation? Au sommet du G7 qui s’est tenu à La Malbaie les 8 et 9 juin 2018, la disproportion entre le faible nombre de manifestants et les mesures imposantes de sécurité a-t-elle créé un impact? Dans la foulée des manifestations et de la brutalité policière, la Coalition avenir Québec (CAQ) est venue déstabiliser le discours de loi et d’ordre des libéraux en annonçant le 4 août 2012 la candidature de l’ancien chef de police de Montréal, Jacques Duchesneau.
Tenant compte de la stratégie employée par le gouvernement Charest, l’adoption de la Loi 78 restreignant le droit de manifester a été une erreur poursuit Claude André, puisque de nouvelles tranches de la population se sont jointes aux étudiants dans leurs manifestations et le Parti libéral du Québec (PLQ) a perdu de ses appuis. Cette loi a provoqué la réaction inverse à l’effet recherché par le «wedge politics».
À quel point cet affront était-il risqué, sur fond de Commission Charbonneau ?
Charte des valeurs
La stratégie de marketing politique a porté fruit, le PLQ a augmenté sa popularité par sa gestion de la crise et a fait diversion de la commission d’enquête sur la corruption. N’empêche que c’est le Parti québécois (PQ) de Pauline Marois qui a remporté les élections du 4 septembre 2012.
Pour Claude André, le PQ aurait tenté une stratégie similaire à celle des libéraux, dont la Charte des valeurs était le cheval de Troie afin de consolider sa base et rallier les indécis. Prenant exemple sur l’Action démocratique du Québec (ADQ), le PQ avait déjà conclu qu’il fallait saisir les enjeux identitaires, même s’il fallait trahir les idéaux progressistes de l’époque de Gérald Godin. En fonction de notre mode de scrutin, hérité du système britannique, le projet de charte a séduit le segment nationaliste conservateur, mais celui-ci a déchanté quand la campagne a glissé vers l’enjeu référendaire. Ce fameux moment du 9 mars 2014, quand Pierre-Karl Péladeau a levé son poing en l’air…
À cause de ce mimétisme politique, le PQ s’est fait accuser de racisme, sur fond de débats interminables sur le port du voile. Puis, le PLQ a été réélu.
À l’élection suivante, les électeurs ont mis fin au demi-siècle d’opposition entre le PQ et le PLQ.
Un examen de conscience pertinent.
Après l’extrême gauche, aura-t-on un gouvernement de droite au Venezuela?
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